-Avril 2012- (Source : Amstrad.eu) 

Brice Rivé et Laurent Boucher en 1988

Brice Rivé (programmeur) et Laurent Boucher (graphiste) sont les auteurs sur CPC des jeux EXIT et Defender of The Crown, tous 2 sortis chez Ubi Soft pendant les années 80.

 

Probablement par la magie d’un moteur de recherche, Brice Rivé s’est inscrit il y a peu sur un forum CPC français (cpcrulez pour ne pas le citer) et j’ai lâchement profité de l’effet de surprise pour proposer à Brice une interview à laquelle Laurent s’est joint, les 2 compères étant en effet toujours en contact.

Ils ont joué le jeu pour notre plus grand plaisir.

 

– Tout d’abord, pouvez-vous rapidement vous présenter pour ceux qui nous lisent ?
(Laurent) J’ai 49 ans, découvert l’électronique à 15 ans, la programmation avec la TI58 à sa sortie, le Basic sur un Logabax 500, puis sur un Sharp PC1211. J’ai loupé le virage HP car les fans de la notation polonaise inverse étaient quand même moins fêtards que les autres. L’assembleur, ce sera donc pour plus tard… Carrière de développeur et de formateur en informatique. Développe des applis web depuis la fin des années 90. Ma plus grande peur informatique : perdre des archives . Ma plus grande joie : retrouver l’info en deux clics.

(Brice) J’ai 47 ans. J’ai eu ma première machine le ZX81 en 81. Depuis, j’ai pas arrêté de coder. Sinon, dans la vrai vie, je fais de la R&D en « machine vision ».

– Comment en êtes-vous arrivés à travailler ensemble ?

(Laurent) On s’est rencontrés au début de nos études supérieures (NDLR : une école d’informatique après le bac). Je laisse Brice en parler car il connaît mieux le sujet que moi. Lorsque j’ai abandonné l’école où il s’est brillamment illustré, on a eu envie de faire un jeu ensemble, car on s’entendait bien et j’étais censé être un artiste (donc un graphiste). Le fait de connaître personnellement les fondateurs de Ubisoft a aussi été un tremplin. Nous avons été encouragés et aidés.

(Brice) J’avais déjà fait un petit jeu sur ZX81 chez Ère Informatique (NDLR : Surfix) et je voulais continuer. Philippe Ulrich m’avait poussé vers le CPC en me montrant les maquettes de deux productions de l’époque chez Ère (Crafton et Xunk et Eden Blues. J’ai encore les disques). Je cherchais un comparse qui puisse assurer les graphismes et Laurent était exactement ce qu’il me fallait en plus d’être un super pote.

Par contre, comme Laurent connaissait les Guillemot on est passé chez Ubi.

– Exit, c’était d’abord le projet de Laurent Boucher ou de Brice Rivé ? Quelles ont été ses influences littéraires ou cinématographiques ?
(Laurent) Vaste question. Nous avions tous deux envie de faire un jeu d’aventure, avec un peu « d’arcades ». A l’époque, les influences étaient nombreuses, de Fluide Glacial aux auteurs de science fiction. Le cinéma du début des années 80 était très libre. Nous n’avions pas forcément une grande culture à l’époque, mais on était quand même déjà bien marqués par nos lectures respectives : Starfix, Métal Hurlant… On s’est vite apperçu qu’on était tous les deux créatifs. Il ne restait plus qu’à mélanger l’eau et l’huile 🙂

(Brice) Impossible de démêler EXIT de nous deux. Je sais plus du tout qui a pensé quoi, ça venait vraiment de la dynamique entre nous deux. La seule chose qui est pas de nous, c’est la musique que Claude, le frère de Laurent, nous a donnée.

(E.X.I.T. : musique d’intro de Claude Boucher)

– Savez-vous pourquoi Exit a eu 2 jaquettes différentes ?
(Laurent) Nous avons changé de jaquette en cours de route pour des raisons de marketing.

(Brice) Marrant, je me souviens pas du tout de la même histoire. Pour moi, la première (la moins belle avec un gars debout) avait été faite indépendamment par un graphiste d’Ubi (comme ça se faisait toujours à l’époque).

 Laurent avait trouvé qu’elle était assez moche et s’était attelé a faire mieux. Il a pondu la seconde (la plus belle qui reprend le feeling des graphismes du jeu) en deux coups de cuillère à pot et c’est celle là qui a été utilisée par la suite.

  

– Lors du test de DOTC par Amstrad 100%, il était précisé que vous alliez vous consacrer à « des machines plus puissantes » (sic). En dehors de Exit et DOTC, sur quels autres jeux avez-vous travaillé ?
(Laurent) Je n’ai plus jamais fait de jeux vidéos par la suite. J’avais pourtant envie de continuer, mais j’avais surtout besoin de gagner ma vie 🙂 C’était l’époque du PC et je me suis tourné alors vers le logiciel d’entreprise, toujours en Freelance (NDLR : travailleur indépendant).

(Brice) Idem pour moi. Après DotC, j’ai aidé Ubi avec quelques protections sur CPC (NDLR : Skateball, Omeyad, Le maître absolu) mais je n’ai plus fait de jeu. Dur de gagner sa vie dans ce business.

– DOTC n’était pas un jeu Ubi Soft mais Cinemaware qui ne travaillait pas vraiment sur 8 bits et encore moins sur CPC. Vous souvenez-vous comment Ubi Soft en est arrivé à vouloir éditer une version Amstrad ? Et pourquoi faire appel à vous 2 précisément ?

(Laurent) Defender avait une super réputation à l’époque, que ce soit sur Amiga ou sur ST. EXIT, malgré son relatif échec commercial a été remarqué pour ses graphismes. D’autre part il avait été livré assez rapidement, une dizaine de jours de retard seulement si mes souvenirs sont bons. Bref, on formait une équipe fiable 🙂 On a un peu halluciné lorsqu’on nous a proposé d’adapter Defender sur CPC. J’avais une confiance totale en Brice, on a accepté immédiatement je crois. Personnellement, je me suis senti flatté 🙂

(Brice) Je me souviens pas de comment Ubi s’est débrouillé mais, comme dit Laurent, on a bondi sur l’occasion de (re)faire un jeu aussi beau et célèbre.

– DOTC est peu propice à une version K7, pourquoi ne pas avoir directement parié sur une version uniquement 128ko à l’époque ?

(Laurent) Il n’a jamais été question pour nous de faire une version K7. Je crois me souvenir qu’on voulait simplement que les possesseurs de CPC 464 avec lecteur de disquette externe puissent y jouer. Il me semble aussi que cela a été discuté avec Ubi et qu’on soit tous tombés d’accord. Brice, tu confirmes ?

(Brice) Je connais pas les chiffres mais il devait y avoir également pas mal de 664 et on ne pouvait pas les ignorer. Je crois que tous les jeux qu’on faisait chez Ubi à l’époque visaient à la base une configuration D7+64k.

– Brice, avec quel assembleur DOTC a-t-il été codé ? Laurent, depuis quelle plate-forme les graphismes ont été transférés et qu’as-tu utilisé pour les retoucher ? Laurent, 16 couleurs parmi 27 c’est dur ? Cinemaware et Ubi Soft ont-ils été coopératifs pour vous fournir des graphismes ou morceaux de code ?

(Laurent) Zéro coopération de Cinemaware. Refus absolu sur toute la ligne de nous donner du code et des images. Il faut interroger les gens d’Ubi pour savoir pourquoi. Nous n’avons pas eu cette curiosité à l’époque.

Ubi a commandé les images à la star des hackers ST de l’époque (NDLR : « Tsuno »). Il a récupéré les fichiers image bruts. C’était super moche une fois converti sur CPC, mais les trames étaient là. Ubi m’avait aussi prêté un Atari ST pour que je puisse travailler avec un modèle sous les yeux. J’ai utilisé OCP Advanced Art Studio.

16 couleurs parmi 27, c’est féroce en effet. D’un autre côté, les choix de palette sont vite faits. Depuis EXIT, je connaissais déjà très bien les combinaisons qui flashent et quelques effets typique du CPC et de son écran. Tout a été un long travail de retouche. Je ne m’arrêtais que lorsque Brice flashait sur une image. Si le commentaire était simplement positif, cela signifiait qu’il y avait encore du travail. L’oeil de mon frère était là aussi, impitoyable. C’est lui qui avait composé la musique de EXIT à l’époque. Il n’est pas crédité dans le jeu, pas très sympa de ma part ^_^.

(Brice) pour le code, c’était Pyradev. Au niveau du code, on a rien eu du tout. Juste la photocopie d’un article qui décrivait un peu les ficelles de la simulation, et un ST avec le jeu pour l’apprendre sur la bête.

C’était pas très efficace mais le côté challenge a sûrement joué dans le bon sens.

– Y-a-t-il des lignes de code en commun entre les versions CPC et Spectrum de DOTC ?
(Laurent) Ah ah 🙂 Brice ?

(Brice) Non. Je ne sais pas quand ni par qui  la version Spectrum a été faite mais on a pas communiqué.

– Avez-vous pensé glisser dans un jeu une protection vicelarde comme l’avait fait Lankhor sur le Manoir de Mortevielle (peu avant la fin du jeu, le message « quel dommage que vous n’ayez pas l’original » interrompait brusquement la partie sur les versions mal copiées) ?
(Laurent) Non, sans l’original c’est injouable, ou très pénible. On a appris qu’il existait une version crackée qui utilise 3 faces de disquette. Le témoignage rapporte que jouer n’est pas très agréable car il faut sans cesse s’interrompre pour changer de face.

(Brice) Mort de rire. Trop cruel. Je sais pas si c’est efficace mais ça doit défouler.

– DOTC CPC aura reçu un bon accueil dans la presse alors que fin 1989, la presse micro généraliste accordait nettement moins de place à un hit CPC qu’à un hit ST ou AMIGA. Certains tests vous ont-ils marqué plus que d’autres ?

(Laurent) C’était sans doute un des derniers sursauts du CPC, grâce à la réputation du jeu, la conversion en 8 bits a été présentée comme un tour de force. Nous savions qu’on avait fait du bon travail de toutes façons.

(Brice) Pour EXIT, j’étais très sensible à l’accueil parce que c’était notre jeu. Pour DotC, je ne souviens pas tellement d’avoir suivi. Je savais que c’était du bon boulot. Et puis on était pas intéressé financièrement puisqu’on avait abandonné le modèle des royalties après l’échec commercial d’EXIT.

– Cette conversion un peu tardive (fin 1989) d’un jeu culte s’est-elle finalement bien vendue ?
(Laurent) Je n’en ai aucune idée. J’imagine que oui. D’autant plus qu’il n’y avait qu’une seule disquette. Il faudrait demander chez Ubi.

(Brice) pareil.

– Avez-vous travaillé dans le fameux château d’Ubi Soft ? Faisait-il bon de travailler pour Ubi Soft ?
(Laurent) Nous n’avons pas été dans le château. Nous étions plus âgé que la moyenne des développeurs de l’époque. On avait un peu bataillé avec Ubi pour les 3 chantiers et notre binôme se dissolvait : Brice attaquait sa carrière d’ingénieur et j’attaquais la vie de développeur de soft freelance.

Je connaissais bien les gens d’Ubisoft. Les fondateurs sont des copains d’adolescence, une partie du staff était aussi composée de connaissances. Nous avons eu à négocier chacun de nos travaux : EXIT, Defender of the Crown et EXIT K7. C’était intéressant, on apprenait le métier. Nous avons été quelques fois maladroits. Je me souviens très bien de l’ambiance des réunions de négociation : Super sympa, on se fait la bise, donne des nouvelles de la vie, des copains, des copines, de la dernière fête, etc…

Ca durait le temps qu’il fallait et arrivait la petite phrase, accompagnée d’un sourire : « On y va ? ». Une fois tombés d’accord, il n’y avait pas de mauvaises surprises. Tout ça reste pour moi un très bon souvenir, malgré le manque de maturité à l’époque.

(Le chateau d’Ubisoft, près de Monteneuf)

(Brice) Euh… si on y est allé. On a passé une soirée là-bas. On a visité les chambres des développeurs et on a dîné avec toute l’équipe. C’était super beau, complètement potache et très sympa. Après dîner ils ont joué à cache-cache comme des mômes dans les couloirs secrets et dans le noir. Très gothique.

Pour ce qui est de bosser avec UBI, j’avoue que c’était une expérience géniale. Les frères Guillemot étaient vraiment pros (surtout pour l’époque) et sympa en même temps.

(Laurent) C’est juste. Ptite visite de courtoisie en effet, mais nous n’y avons jamais travaillé. On a pu juger de l’ambiance un peu jeune et de l’encadrement 🙂

– DOTC a eu il y a peu de temps (enfin au moins 5 ans maintenant) un portage fidèle sur Gameboy Advance et un remake sur Pc, vous y avez joué ? D’ailleurs étiez-vous fans du jeu à la base ?
(Laurent) Non. Personnellement je ne connaissais pas le jeu au départ. Ce sont les dessins qui m’ont séduit.

(Brice) Moi non plus. J’y ai beaucoup joué pour le faire mais le vrai attrait était pour le côté cinéma plus que le jeu en lui-même.

– La hotline Euro-Maintenance a-t-elle été submergée d’appels de cpcistes n’arrivant pas à délivrer les princesses dans la version CPC de DOTC ?

(Laurent) Je n’en sais rien

(Brice) Laurent, fais pas la gueule. Je sais que j’ai mis un bug au dernier moment qui fait qu’on les voit presque jamais mais j’ai pas fait exprès.

– Quels sont vos regrets par rapport au développement de DOTC sur Amstrad ?
(Laurent) Comme pour EXIT, nous n’avons pas eu le temps de faire une super musique exploitant les capacités du synthétiseur que Brice avait développé pour le CPC. Aucun regret sinon pour la partie graphique. Brice, je te laisse raconter pourquoi les princesses restaient en général prisonnières 🙂

(Brice) Hmmm. J’ai pas entendu la question. Pour les sons, c’est vrai qu’on aurait eu besoin d’un peu d’aide. Tout le code était là mais on n’a pas eu le temps de créer le contenu.

– Avec le recul, pour vous DOTC était juste un concept novateur créé sur Amiga par le hasard des choses ou un vrai jeu 16 bits converti par miracle sur machines 8 bits à l’instar de Populous qui a été brillamment converti sur Sega Master System ?
(Laurent) Je ne connais pas assez le monde du jeu vidéo pour répondre, mais à mon avis il n’y a pas de « concept » novateur dans Defender. Il y a un terrain de jeu, des espaces à conquérir, des ressources à gérer, des bagarres et des princesses. Je ne vois rien de nouveau là-dedans, à moins que ce soit vraiment le premier jeu avec ces éléments, ce qui m’étonnerait fort. On peu refaire la même chose (sauver le concept) avec des pictos simples.

Ce que j’ai vu par contre dans ce jeu, c’est qu’il était beau. Il valorisait le travail des graphistes grâce aux possibilités des machines. Le premier jeu à le faire ne pouvait qu’être repéré et marquer à jamais l’histoire. C’est ce qui est arrivé à Defender. Bon, je ne sais pas si j’ai vraiment répondu à la question 🙂

(Brice) C’est vraiment un jeu 16 bits dans le sens où il avait beaucoup plus de contenu que les autres. D’où le challenge de le faire tourner sur 8bits.

– En 1989, Ubi Soft était-il déjà lucide sur le devenir du marché CPC ?

(Laurent) Certainement. J’ai toujours pensé qu’ils avaient eu les droits de Defender au rabais 🙂

(Brice) Les connaissant, ils ont toujours été très lucides sur le marché. La preuve, ils sont les seuls encore en vie.

– Savez-vous pourquoi Ubi Soft n’a jamais intégré vos jeux dans une de ses nombreuses compilations alors que d’autres jeux occupant eux aussi une disquette complète y ont eu droit (Zombi, Inertie…) ?
(Laurent) Autant Defender a un problème de jouabilité en fin de partie, autant EXIT a la même chose dès le départ. EXIT manque de bonne progression dans la difficulté. Ca a fait de lui un produit peu séduisant pour beaucoup. C’est, à mon avis, la raison.

Pour Defender, je pense qu’il avait une belle vie commerciale en autonome 🙂 Là encore, ce sont des informations commerciales. Nous ne savons pas répondre à ces questions, et nos avis sont pleins de réserves 🙂

(Brice) C’est vrai qu’on ne sait pas grand’ chose au niveau commercial.

– Avez-vous gardé un pied dans l’informatique, le jeu vidéo ou avez-vous complètement changé de d’orientation professionnelle ?
(Laurent) J’aurais bien aimé poursuivre dans cette voie. Faire un métier qui passionne est rare. Je suis revenu à la programmation, hors du monde des jeux vidéos. Mon peu d’intérêt pour les jeux vidéos en général y est aussi certainement pour quelque chose ! Cela dit, je suis époustoufflé par les jeux en général. J’ai du plaisir à les regarder.

(Brice) Je suis passionné par la programmation et je suis un piètre artiste. Le jeu évoluant de plus en plus vers le cinéma, la place pour la programmation est devenue de plus en plus insignifiante. Aujourd’hui je programme toujours des choses qui me passionnent. La seule chose que le jeu avait à cette époque et qui me manque, c’est la visibilité.

– Que pensez-vous de la production ludique récente sur CPC (Orion Prime, Sub Hunter, Star Sabre…) ?
(Laurent) ??? On produit encore sur CPC ? Ca me fait plaisir 🙂

(Brice) Je les connais pas. Je vais essayer. En tout cas, dans le principe, je trouve ça génial et je comprends parfaitement l’intérêt. Programmer en assembleur et sur un système comme le CPC est très différent et très formateur.

– Que pensez-vous de ces équipes qui réparent des injustices historiques en développant des versions qui, contrairement à la release officielle de l’époque, font réellement honneur au CPC comme par exemple  pour CPC+, Bubble Bobble4CPC ou la récente version 128ko de R-Type ? (vous pouvez jeter un oeil sur cpc-power.com  si vous ne les connaissez pas) ?

(Laurent) Wow, je trouve ça super. A mon tour d’avoir une question : Ca se passe sans consulter l’éditeur du jeu original ? C’est une tolérance de leur part ? Quid des droits ?

Personnellement, je suis prêt à donner mes archives, mais Ubisoft aurait-il son mot à dire ?

(Brice) J’ai pas tout suivi mais j’ai vu le remake de R-Type qui m’a époustouflé. Je vais essayer les autres.

– Saviez-vous que de plus en plus de jeux d’excellente qualité sortent actuellement sur des plateformes 8 bits tels que les CPC, le C64, le Spectrum, le MSX ainsi que des cartouches de consoles telles que la Nes, la Coleco… ? La plupart disposent d’un packaging complet. On trouve même des petites structures professionnelles qui développent de plus en plus sur Megadrive, Neogeo et particulièrement Dreamcast. Ces sorties peuvent égaler voire surpasser les productions de l’époque. Certains de ces jeux peuvent être de vrais succès et dépasser les 2000 exemplaires vendus. Que vous inspire ce phénomène ?
(Laurent) Ca m’épate ! Un jeu bien fichu n’a pas besoin d’être sur une machine performante pour faire plaisir. C’est là que le « concept » intervient à mon avis.

(Brice) J’aurais jamais cru que c’était possible de trouver un réel marché. Mais c’est une excellente niche.

– Un simple PC sous Windows avec un émulateur Amstrad comme Winape est supérieur à toutes les stations de développement de l’époque, les outils de transferts graphiques Windows=>CPC/CPC+ tels que ConvImgCPC sont ultra-performants, des outils comme Starkos surpassent en bien des points les soundtrakker du ST, certaines techniques de développements poussées sur CPC comme le fullscreen sont désormais nettement plus documentées que pendant les années 80. Avec la généralisation de la disquette 3p1/2 sur CPC, faire un jeu de 800ko ne choque plus personne. Tout cela ne vous tente pas de remettre le couvert, sans contrainte, juste pour le plaisir (ou pour vous faire éditer et rouler ainsi en Ferrari) ?
(Laurent) Je ne connais pas assez l’histoire des jeux pour m’y risquer 🙂 Mais l’idée est plaisante. Travailler pour le loisir a toujours une bonne couleur.

(Brice) Non, je pense qu’on a fait notre part de ce chemin. Je crois que, tant qu’à donner du temps on fait mieux de travailler dans les archives.

– Avez-vous des anecdotes ou autres secrets d’alcôves à révéler aux cpcistes ?
(Laurent) Lorsqu’Ubi Soft a eu les droits pour convertir Defender, on ne leur a pas fourni les images existantes (ST ou Amiga) ni même le code des joutes, etc… Brice a dû tout redévelopper en jouant des heures et des heures pour fixer ses paramètres de jeu, le pauvre… Un hackeur ST du moment (NDLR : « Tsuno ») s’est chargé, lui, de nous fournir toutes les images. On les a récupérées brut de fût. La conversion a donné tout d’abord un résultat proche de la catastrophe, mais la trame était là. Il ne restait plus qu’à jouer du pixel.

Le format de disquette est un format « Brice », physiquement lisible par un CPC mais incopiable par une machine de série. Brice a utilisé une particularité du contrôleur de disquette, qui pouvait lire des formats qu’il ne pouvait pas reproduire, à moins d’être bidouillé. Bref, on a travaillé sur des machines « kitées ». Je souris d’émotion en me rappelant cette époque. Lors de la sortie du jeu, la société chargée de la duplication nous a contacté : ils n’arrivaient pas à copier le BAT (« bon à tirer »).

Brice, tu as été appelé sous les drapeaux juste avant la sortie de Defender CPC. Tu as fait le forcing pour boucler le chantier avant d’endosser l’uniforme. Au début de tes classes, tu as fait sauter les derniers bugs à partir d’une cabine téléphonique de ta caserne : J’étais à l’autre bout du fil, sur ton Pyradev, je lisais l’écran à haute voix et tu me dictais les corrections ! Bonjour les sueurs froides chez Ubi. J’en frémis encore.

(Brice) J’ai tout vidé mon sac.

– Merci messieurs.

Propos recueillis Par Kawickboy pour Amstrad.eu