Thierry Lhermitte

Inutile de vous présenter Thierry Lhermitte, ses nombreux films et pièces de théâtre ont fait de lui un des acteurs les plus appréciés de sa génér­ation.

À Amstrad Cent Pour Cent, nous avons découvert un autre aspect du personnage : sa passion pour la micro-­informatique, passion qu’il a trans­mise à son fils Victor, âgé de 8 ans.

Pour en savoir plus, nous sommes allés le voir dans son appartement où il a répondu à nos questions.

Comment es-tu venu à la micro-informatique ?
Je voulais acheter un micro-ordinateur. Ça me trottait dans la tête depuis assez longtemps et puis, un jour, j’ai craqué, je me suis acheté un CPC.
Pourquoi un CPC ?
Parce que les publicités étaient attirantes et que c’était un des ordi­nateurs les moins chers. Je ne savais pas si la micro allait vraiment m’accrocher, je pensais que le CPC était la bonne machine pour débuter, d’autant qu’il existe plein de jeux. Au début, je ne savais pas qu’il existait autant d’éducatifs…

Je voulais un micro pour me servir d’un traitement de texte, à cause de mon écriture, et puis je fais tellement de fautes qu’il me faudrait une machine à écrire très chère. En fait, il n’y a que le traitement de texte qui te permette de corriger facilement. Depuis, j’écris tout le temps. De plus, j’ai choisi le CPC parce qu’il a une énorme logithèque ludique. C’était pour Noël 1986, je savais que cela ferait plaisir à Victor. Avant tout, je voyais le CPC en tant qu’outil, et je ne pensais pas qu’il y avait autant d’éducatifs disponibles sur ce micro­-ordinateur.

Nous savons, par les mé­dias, que tu aimes la mer et les bateaux. Pensais-tu déjà emmener le CPC en croisière avec toi ?

Non, cette idée m’est venue plus tard, en me rendant compte des possibilités offertes par la digitalisation. C’est vraiment génial de pouvoir capturer une image avec une simple caméra vidéo. C’est alors que l’idée m’est venue de digitaliser des cartes marines. Je ne l’ai pas encore réalisé, mais cela fait partie de mes projets. Je compte bien mettre l’imprimante dans un coin et la sortir une semaine à l’avance, lorsque je serai sûr d’avoir du 220 volts, pour imprimer les cartes dont j’aurai besoin un peu plus tard.

Tu pensais donc utiliser le CPC uniquement en tant qu’outil ?
Au début, oui. Puis, en décou­vrant l’immense bibliothèque de logi­ciels, j’ai passé quelques nuits à décortiquer ce qu’ils appellent des no­tices. Ces morceaux de papier bourrés de fautes et apparemment très mal traduits, qu’ils donnent avec les jeux.
Quel est le logiciel de jeu qui t’a le plus éclaté ?
Tennis 3D de Loriciels m’a vraiment fait passer du bon temps. Il n’est pas génial génial, mais je me suis bien éclaté avec.
Et cela t’a passionné tout de suite ?
Oui, surtout que, lorsqu’il y a un truc que je ne comprends pas, comme je suis assez maniaque, je planche jusqu’à ce que j’y arrive. Ce n’est pas parce que je suis un homme de volonté, mais vraiment parce que cela m’empêche de dormir. Par exemple, quand je repense au manuel livré avec le CPC, c’est vraiment pas clair ; quand tu n’y connais rien et que tu n’as personne pour t’aider, cela devient cauchemardesque. Tu es obligé de chercher, et c’est d’ailleurs comme cela que je sais tout ce que je sais sur CPC.
Tu as donc appris à te servir de la machine avant de l’utiliser pour l’éducation de Victor.
Oui, et en même temps, j’allais m’acheter des jeux. Et surtout, j’ai fait l’acquisition de mon premier traite­ment de texte, puisque c’était tout de même mon idée initiale. J’ai donc commencé avec Semword, mais j’ai laissé tomber parce qu’il ne corres­pondait pas vraiment à ce que j’en attendais. Ensuite, je suis tombé sur Textomat, que j’ai trouvé très intéressant et auquel je suis resté fidèle parce qu’il m’apporte juste ce dont j’ai besoin. Mais je gardais, bien entendu, un œil sur les nouveautés en matière de jeux.
Mais après ton propre apprentissage, comment as-tu amené Victor à l’informatique ?
Eh bien, Victor allait à ce mo­ment-là à la maternelle et était préparé à l’apprentissage de la lecture. Les en­fants commencent à recopier ou à reconnaître des mots, à écrire leurs noms. Mais ils ne savent pas lire. C’est une approche globale et peu stricte. C’est alors que j’ai trouvé Apprends-moi à lire de Cédic Nathan. Ce logiciel a un chemin et une approche formida­bles de l’enseignement de la lecture. Victor s’est beaucoup amusé à apprendre à lire, à raison d’un exercice par jour.
Et toi, cela t’amusait aussi d’apprendre à ton fils à lire par l’intermédiaire du CPC ?

Oui, car les enfants n’ont aucune appréhension, aucun complexe vis-à-vis de l’ordinateur. Il y a plein de gens qui sont paralysés devant un clavier, mais un gamin de cet âge-là est tout à fait à son aise. En deux jours, il sait comment charger le logiciel, sur quelle touche appuyer… C’est fabuleux.

Je crois que sans le micro-ordinateur, je n’aurais jamais pu, comme main­tenant, le faire travailler en dehors de l’école. Je lui ai acheté des cahiers pour apprendre à lire, mais cela ne l’amuse pas. Alors qu’à partir du mo­ment où c’est un écran, avec des couleurs, des flèches, des dessins, tout prend un aspect ludique et l’en­fant accroche tout de suite. Cela fait des bruits de félicitation lorsque l’en­fant réussit, ce qui est valorisant pour lui. Il a quelque chose de vivant devant lui alors qu’un livre, c’est assez mort, c’est comme à l’école.

Qu’est-ce qui t’a guidé dans le choix et la sélection des éducatifs que tu as achetés ?

Finalement, il y a assez peu de logiciels éducatifs sur CPC. En plus, c’est difficile de se les procurer, car ils sont rarement disponibles dans les magazines. On en trouve un ou deux par hasard. Ces logiciels sont fantastiques, car un enfant qui ne sait pas lire est capable, au bout de dix jours, de remettre une phrase de quinze mots dans l’ordre, en partie d’une simple reconnaissance de mots.

Est-ce que le fait que le logiciel soit un Nathan, conçu par la même société que les livres de classe, ça rassure ?
Non, pas du tout. Mais je ne m’attendais pas à ce que cela soit aussi bien fait. D’ailleurs, je l’ai passé à Josianne Balasko.
Et Victor, prend-il cet apprentissage du bon côté ? A-t-il accroché ?

Je dois avouer que je le force un peu, d’une certaine manière, mais je ne pourrais jamais lui faire faire de l’école en plus de l’école. Alors qu’avec ce procédé, il a du mal à s’y mettre, mais lorsqu’il est dedans, il s’amuse et apprend vraiment. En plus, je varie les plaisirs, un jour c’est des conjugaisons, l’autre c’est du calcul mental… Comme ces logiciels sont bien faits, l’enfant se distrait plus qu’il ne travaille, mais apprend plus et plus vite, dans de meilleures conditions.

Mais, ayant appris à lire avec l’ordinateur, Victor avait-il envie de lire un livre ou une BD, par exem­ple ?
Bien entendu, en deux mois, il est passé de l’étape déchiffrage à la lecture parfaite. Normalement, en ce laps de temps, un enfant sait lire des mots, mais seulement un par un, alors que, lui, était parfaitement capable de lire et de comprendre une phrase.
Quelle a été la réaction de son entourage, de ses copains ?
Ses amis, du moins ceux qui sont venus ici, se sont amusés autant que Victor sur le CPC et ont fait des progrès aussi rapides.
Quel était ton intérêt, vis-à vis-de cette démarche ?
Pour moi, c’était magique (no, no, décathlon !!!). Je découvrais moi-même ce nouvel univers, et j’étais émerveillé par la progression de Vic­tor.
Cette utilisation du CPC a-t-elle suscité en Victor l’envie d’aller trifouiller l’ordinateur de plus près ?
Il jouait à tout, mais il est un peu jeune encore pour aller plus loin. Par contre, à l’école, les enfants travaillent en Logo sur des micros, et j’aurais bien aimé approfondir cela avec lui, mais le temps me manque quand même un peu pour réaliser ce projet.
Ta démarche a donc été d’apprendre avant tout à te servir de ton micro pour pouvoir l’inculquer à ton fils.
Oui. Par exemple, lorsque tu te retrouves devant ton ordinateur, et que tu dois lancer un logiciel. Si tu ne connais pas, ne serait-ce que la commande CAT, tu te retrouves bête. Ce genre de commandes n’est simplement pas donné dans le livre de prise en main, ce qui ne facilite pas la tâche et fait perdre bien du temps.
Mais maintenant, tu restes toujours avec Victor lorsqu’il travaille avec les éducatifs ?
Non, il connaît maintenant les principales manipulations et est capa­ble de se débrouiller tout seul. Le coup, c’est de le mettre devant, quoi.
Et il continue à travailler avec le CPC ?

Bien entendu, il continue avec des éducatifs de son âge. Et c’est bien mieux, car je me vois mal lui dire de faire des conjugaisons en dehors de l’école sans que ce soit sur l’ordinateur.

Cette approche a-t-elle entraîné une rébellion de Victor vis-à-vis de ses devoirs scolaires sur pa­pier ?
Pas du tout, l’informatique est alors un plus qui fait travailler l’enfant sans qu’il s’en aperçoive.
Penses-tu qu’avec cette forme de travail, Victor ait une évolu­tion scolaire plus importante que les enfants de son âge ?
Je pense que cela habitue les en­fants à subir un certain stress. Le fait que les exercices sur micro soient soumis au temps les met dans des conditions d’examen et les rend sûrement moins sensibles à ce genre de contexte.
Qu’est-ce que tu tires de cette forme d’apprentissage ?
Je trouve génial le fait de voir un enfant s’éclater tout en apprenant. L’informatique devient un super plus. C’est frappant !
Et le choix des program­mes?
Je trouve que, plus on avance dans les logiciels éducatifs, moins ils sont à la hauteur de nos espérances. En ce qui concerne l’apprentissage de l’écriture, les logiciels ne sont pas du tout ergonomiques. Il faudrait passer soit par une table traçante, soit par un stylo optique, pour ne pas avoir à travailler avec un œil sur l’écran et l’autre sur une feuille de papier. C’est un coup à faire attraper aux enfants un strabisme divergent.
Qu’attends-tu d’un logiciel ?
Avant tout, qu’il ait une docu­mentation très bien faite, qui énumère bien les possibilités du soft, les op­tions ou les paramètres. Il faut aussi que le déroulement du soft soit logique. Il est vraiment bizarre d’uti­liser deux commandes différentes pour le même type d’action, c’est absurde ! Sinon, j’aime bien les couleurs vives et les dessins soignés. Mais surtout, il est impératif que le chemin pédagogique soit parfaite­ment adapté à l’enfant.
Comment évalues-tu la qualité pédagogique d’un logiciel ?

Je ne suis pas un enseignant, mais devant certains softs, tu te dis que c’est vachement bien foutu, tu découvres que le chemin de l’appren­tissage et de la pensée, c’est ce chemin logique-là ! En tout cas, c’est ce que je ressens en tant qu’utilisateur.

Et que penses-tu de l’inté­gration de l’informatique dans les familles ?

Je pense que l’informatique est vraiment un truc qui devient de plus en plus indispensable. Que ce soit à la maison ou au niveau professionnel. C’est un outil qui peut être utilisé dans tous les domaines, de la comptabilité aux jeux, en passant par de nom­breuses applications. Je passe moi-même environ une demi-heure par jour sur mon micro, pour travailler, faire mon courrier… ou pour me distraire. Dans tous les cas, si je suis sur l’ordinateur, Victor vient me rejoindre et nous jouons, ou bien, on se met au travail…

Propos recueillis par Philippe Martin et Pierre Valls.

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