Bertrand Radiguet • Amstrad France

Bonjour Bertrand. Vous avez travaillé pendant 10 ans au service commercial d’Amstrad France. Vous avez gentiment accepté de répondre à nos questions pour Amstrad.eu, pouvez vous dans un premier temps vous présenter rapidement.

Bonjour à tous. Mon nom est Bertrand Radiguet et j’ai occupé la fonction de directeur commercial d’Amstrad France pendant plus de 10 ans. Avant cela, j’ai été attaché commercial pour Philips. J’ai ensuite travaillé pour Pace Micro et Nova SA. Depuis 2006, je suis le directeur général de Strong France.
Comment êtes vous arrivé chez Amstrad ?
J’ai rejoint l’Equipe Amstrad France à Sèvres en septembre 1986 en tant que Chef des Ventes Hi-Fi. À cette époque, AMSTRAD était un des acteurs majeurs sur le marché du « rack ». Alan Sugar avait conçu les premières chaînes Audio / Hi-Fi « Plug and Play ». Concept très simple : finis les éléments séparés et place à un élément monobloc : platine tourne-disques / double cassettes / Tuner avec une seule prise. Ce concept, Alan Sugar l’a repris pour les CPC avec le succès que l’on sait.

Le succès a été immédiat et a permis à AMSTRAD France d’en vendre par centaines de milliers d’unités, ses produits Audio / Hi-Fi dans les hypermarchés (Euromarché / Auchan / Carrefour / Casino), les VPCIstes (La Redoute / 3 Suisses), les multispécialistes (Darty / Fnac / Nasa, …), les vendeurs de meubles (Conforama / But, …)

En fait, Peu de gens savent qu’AMSTRAD en France comme en Angleterre est née avec l’Audio. Marion Vannier, avant que je ne rejoigne AMSTRAD s’occupait seule de la vente de l’audio.

 

Bertrand Radiguet.

Directeur commercial d’Amstrad France

Amstrad France était il indépendant par rapport au siège Anglais ?
AMSTRAD France était filiale à 100% d’AMSTRAD plc et à ce titre achetait ses produits à la maison mère et rendait compte auprès d’Alan Sugar sur ses ventes et son compte de résultat.
Que pensiez vous du matériel Amstrad et en particulier des CPC à l’époque, et aujourd’hui ?
Le matériel AMSTRAD était précurseur. Le « Plug and Play » est né sur une idée d’Alan Sugar.

Le CPC répondait à une demande du consommateur qui recherchait un accès simple et économique à l’informatique. Pour la première fois, on pouvait acquérir un ordinateur pour la maison, mais en plus une machine avec un environnement ludique. Le succès a été énorme, dépassent toutes nos prévisions. Il répondait à un besoin, ou plutôt à un manque !

 

Que dire du CPC aujourd’hui, c’est un collector.

Vous aviez travaillé pour Philips, avez vous vendu du matériel informatique de cette marque (VG5000, …) ?
Effectivement, j’ai travaillé chez Philips (NDLR : de 1982 à 1986) et j’ai vendu du VG 5000. Vous remontez à la préhistoire là ! Pour être franc, ce produit n’a pas connu une grande audience.
Quelles étaient vos relation avec Mme Vannier et quels souvenirs en gardez vous ?
Quand j’ai rencontré Marion Vannier la première fois, j’ai été très intimidé par sa personnalité. Un gant de fer dans des yeux de velours. Une personne qui savait ce qu’elle voulait et avec un sens commercial hors pair.

Quand je me suis assis face à elle dans son bureau le premier jour, elle m’a dit :

« Voilà mon cahier, il y a tout dedans. Tâche de faire aussi bien que moi. Prends-le, mais rends-le-moi ! ».

Entrée en matière surprenante et déconcertante. J’ai pris son cahier, j’ai noté tout ce qu’il fallait, je lui ai demandé des explications et je suis parti avec ma sacoche, vendre des containers… Car il s’agissait de vendre des containers et pas des produits à l’unité (je n’ai pas oublié par la suite de lui rendre son cahier ;)).

Quel changement après Philips ! Avec ses conseils et ceux avisés de Jean Cordier, j’ai pris mon bâton de pèlerin et je suis parti en essayant de faire aussi bien qu’eux. Ça a plutôt bien marché en fin de compte, car je suis resté 11 ans au sein d’Amstrad France. Je dois être la personne qui a du resté le plus longtemps dans la société.

J’ai beaucoup aimé travailler avec Marion Vannier. Une personne charismatique et humaine. Quand elle a quitté AMSTRAD, je me suis dit que la Société perdait une personnalité et une « pédégère » (comme elle s’appelait) qui serait irremplaçable. Effectivement, tous ceux qui lui ont succédé ne sont jamais arrivés à sa cheville.

Marion Vannier

PDG d’Amstrad France

Quelles étaient vos relation avec Mme Vannier et quels souvenirs en gardez vous ?
Clairement, les années sous sa direction et celle de l’équipe historique : Jean (Cordier), Maryse (Choiltoux), François (Quentin), Annick.

Après leur départ, l’esprit AMSTRAD a définitivement disparu et je pense que pour Alan Sugar, ce fut la même chose. Le succès des produits allié à une équipe hyper soudée a créé une dynamique qui a totalement disparu par la suite.

L’équipe d’Amtrad France (Tilt 51 , Avril 88)

De gauche à droite : Yves Breschard, responsable du département bureautique.
Marcettin Daniel, responsable du département import et Transport. François Quentin, chef de produit.
Bertrand Radiguel, chef des ventes hi-fi vidéo. Manon Vannier. P.D.G.d’Amstrad France.

Maryse Choiltoux, attachée de direction. Jean Cordier, directeur des ventes grande distribution.

Vous souvenez vous du CPC5512 ? Cette petite blague (publié dans Hebdogiciel n°138 en juin 1986) a t’elle vraiment affecté les ventes d’Amstrad ?
Je me souviens très bien de cette histoire qui n’a pas du tout influencé les ventes de CPC. Il n’y a pas grand-chose à en dire de plus.
La presse informatique de l’époque était plutôt dure avec Amstrad, comment receviez vous ces attaques ?
Nous nous en moquions totalement. Plus on parlait de nous (en mal comme en bien), plus on était content et plus on vendait !!

Leur réaction était tout à fait compréhensible :

« Qui est ce vilain petit canard (ou plutôt ce vilain petit crocodile :)) qui ose s’attaquer aux géants de l’informatique en cassant les prix et en permettant à n’importe qui d’acquérir un ordinateur. »

Typique d’Alan Sugar : un visionnaire qui fait fi des principes et des idées reçues. Ça ne fait pas plaisir à tout le monde de se faire bousculer et de perdre des parts de marché.

Donc, les réactions de la presse ne pouvaient que heurter les aficionados de la marque, mais pas l’équipe d’AMSTRAD.

Pourquoi avoir attaqué Amstrad Magazine puis Am Mag pour utilisation du nom et de la marque Amstrad mais laissé Amstrad 100% le faire ?
Ce sujet est tout à fait anecdotique dans l’histoire d’AMSTRAD. Franchement, en tant qu’ancien d’AMSTRAD, je n’y prête que peu d’attention. Une querelle sans aucun intérêt.
Y a t-il eu des projets de machines non aboutis ?
Des projets non aboutis, certainement des dizaines, voire des centaines.

Pourquoi n’ont-ils pas abouti ? Alan Sugar est un homme qui n’a lancé que des produits à succès (mis à part la console de jeux). Il n’investissait que dans des produits où le retour d’investissement en valait la peine.

S’il n’a pas lancé certains produits, c’est qu’il ne correspondait pas à « l’AMSTRAD spirit », c’est-à-dire à une success story assuré.

Avez vous entendu parler du clone CPC produit dans les pays de l’est ? (le KC compact)
Non, ce produit ne me dit rien.
Avez vous senti la fin de l’Amstrad CPC ?
Bien évidemment, et elle était inéluctable.

Le restylage raté de la 2ᵉ génération (CPC+) et l’arrivée en force de Nintendo et Sega sur le marché ont précipité la chute du CPC. AMSTRAD n’a pas vu arriver le phénomène des consoles au début des années 90.

Le CPC avait fait son temps, la demande avait glissé vers un autre univers et le profil du consommateur avait changé…. à cause d’AMSTRAD. Nous étions pris à notre propre jeu.

Comment avez vous vécu le départ de Mme Vannier ?
Un grand choc quand elle m’a appelé dans son bureau pour me l’annoncer. Beaucoup de tristesse aussi. J’ai tout de suite compris que rien ne serait plus comme avant. En plus, elle était remplacée par un des hommes de confiance d’Alan Sugar, le charme en moins, nettement moins…
Comment expliquez vous le succès d’Amstrad en France ?
Le succès d’AMSTRAD en France repose sur trois personnes : Marion Vannier, François Quentin et Jean Cordier. AMSTRAD n’aurait jamais atteint de tels sommets en France sans ce trio. Il n’y a qu’à comparer avec les autres pays Européens (UK excepté car un certain Alan Sugar y était aux commandes).

Au sujet de Sire Alan Sugar, je voudrais dire que c’est un GRAND Monsieur. Certes, il avait et il a toujours un sacré fichu caractère, mais quelle personnalité, quel sens des affaires, quel boss !

Il pilotait AMSTRAD comme David contre Goliath. AMSTRAD contre IBM ! Lui seul pouvait faire vaciller un tel mastodonte. Il y est arrivé. Chapeau Monsieur Sugar.

Je craignais le personnage, mais je l’admirais aussi. La première fois où je l’ai vu à Brentwood (NDLR : le siège social d’Amstrad en Angleterre), il m’a dit :

– « sit next to me and listen… » et là, j’ai été bluffé.

Que pensiez vous des autres machines ?
De la concurrence, pas grand-chose. Atari, Commodore… peu importe. Ils arrivaient à vendre des machines quand AMSTRAD était en rupture…
Pourquoi le CPC+ est-il sorti si tard (fin 90) ?
Les ventes de la première génération sont restées longtemps au zénith, alors pourquoi remplacer ce qui marche ? Il a fallu ensuite sortir un successeur pour contrer Nintendo, Sega et consorts quand les ventes ont commencé à s’essouffler.
Les rumeurs de 1988 de négociation avec Commodore pour fabriquer un clone d’Amiga ou simplement de conception d’un micro 16bits concurrent à base de 68000 étaient-elles un minimum fondées ?
Désolé, seul Alan Sugar pourrait peut-être répondre à votre question.
Pourquoi avoir vendu la GX4000 si chère alors que ses concurrentes Nes (Nintendo) et Master System (Sega) étaient 20/25% moins chères et déjà bien implantées ?
Elle n’était pas si chère, car elle était proposée avec un jeu.

La raison pour laquelle la GX4000 a été un échec retentissant, c’est qu’il n’y a eu que très peu de jeux disponibles à sa sortie. Une dizaine au maximum alors que Sega et Nintendo avaient une librairie complète. Un Hardware ne peut être un succès sans Software et cette maxime est de plus en plus vérifiée.

Pourquoi avoir si peu promu le Mega-PC (AT386 intégrant une Sega Megadrive) à sa sortie contrairement au PC1512 en son temps ?
 

Totalement faux !!

 

AMSTRAD et son crocodile ont énormément communiqué dans la presse, à la Télé et en « trade marketing » sur ce produit.

Son échec est dû au fait qu’à l’époque un mur séparait l’utilisateur dit « pro » du joueur, il y avait incompatibilité de profil. C’est l’unique raison de l’insuccès, car nous croyions dur comme fer à cette machine qui était véritablement magique…

 

Ce fut une grande désillusion. Le produit était génial, mais le consommateur n’a pas accroché…

 

Dommage.

En quelle année avez vous quitté Amstrad et qu’avez vous fait ensuite ?
J’ai quitté Amstrad France en 1997. J’ai eu la chance qu’Alan Sugar me prévienne un an à l’avance de la fermeture de la filiale française. Lors de mes dernières années, j’avais lancé avec un certain succès des produits satellite avec le concept « Satpack » (toujours le « Plug and Play » chers à Alan Sugar).

J’ai alors été approché par une autre firme britannique, leader mondial de la fourniture d’équipements de réception satellite : PACE. Je les ai rejoints immédiatement après mon départ d’AMSTRAD.

Aujourd’hui, je dirige la filiale française du leader européen d’équipements de réception terrestre et satellite (NDLR : Strong).

Avez vous gardez des contacts avec certains membres d’Amstrad ?
Malheureusement non et c’est bien dommage….
Que pensez vous du CPC de nos jours ?
Une belle histoire ancienne. Une success story qui est arrivé sans prévenir. Mais je ne crois pas en la nostalgie d’une machine, je regrette plutôt mes anciens collègues.
Votre machine Amstrad préférée ?
Toutes !

Je mentionnerai quand même le PC 1512. Il a également été une révolution, et ce, toujours dans l’esprit AMSTRAD : un grand coup de pied dans la fourmilière.

Comment avez vous découvert Amstrad.eu ?
Via le net en essayant de rechercher des anciens AMSTRAD et je suis tombé sur l’interview de Marion Vannier et des photos qui m’ont rappelé de bons souvenirs.
Aviez vous connaissance du phénomène de RetroGaming et des fans de vieux micros ?
Non, comme je vous l’ai dit, je ne suis pas du tout un fana des vieux micros.
Etes-vous surpris que l’on arrive toujours à repousser les limites de la machine de nos jours ?
Pourquoi « de nos jours » ??? Le progrès technique et technologique a toujours existé. Tant mieux. Le progrès, c’est merveilleux
Quels souvenirs gardez vous de cette époque ?
De belles et grandes années avec des personnes formidables chez AMSTRAD France et AMSTRAD plc
Un dernier mot à dire ?
Si jamais vous aviez les coordonnées des anciens AMSTRAD, ce serait tout simplement génial.

 

Je vous remercie Mr Radiguet de nous avoir consacré un peu de votre temps.

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