Patrick Hellio • Génération Amstrad CPC

Patrick Hellio est l’auteur du livre Génération Amstrad CPC sortie en Septembre 2024 aux éditions Pix’n’Love.

Salut Patrick, peux-tu te présenter rapidement.

Bonjour Serge !

Je suis journaliste spécialisé depuis environ 25 ans. J’ai commencé dans la presse écrite (Gen 4 consoles) à la fin des années 90, j’ai ensuite longtemps œuvré dans la presse professionnelle puis j’ai collaboré à des sites Internet comme Gamekult. Aujourd’hui, je collabore régulièrement avec le magazine Jeux Video Magazine, disponible chaque mois en kiosque. Depuis 2007, je suis par ailleurs chroniqueur régulier du podcast hebdomadaire Silence On Joue, produit par libération et présenté par Erwan Cario. Chez Origami, je suis également chroniqueur dans l’émission Super Vieux Jeux avec Raphael Lucas, présentée par Sylvain Tastet, que l’on peut regarder sur Youtube. On y parle vieux jeux, vieilles machines, et on adore ça 😊.

Tu as écrit pas mal de livres autour du jeux vidéo, pourquoi en faire un sur l’Amstrad CPC ?
J’ai toujours eu la chance de pouvoir écrire des ouvrages consacrés à des sujets de cœur, qui me passionnent depuis très longtemps. Ce fut le cas pour les jeux d’aventure point’n click, la saga Resident Evil, l’histoire de la franchise SOS Fantômes ou encore une machine comme la Nintendo 64, autant de sujets sur lesquels j’ai eu la chance de pouvoir signer un ouvrage. Pour le CPC, c’était comme une évidence puisque le 464 (monochrome !) fut ma toute première machine, celle par laquelle tout a commencé à mes yeux. Je suis forcément très attaché à l’univers du CPC, à ses jeux, aux gens qui ont travaillé dessus et puis la place vraiment très particulière occupée par la machine en France justifiait que l’on se penche dessus plus en détails.
Patrick Hellio, journaliste.
Quand t’es venu l’idée du bouquin et à quel moment as-tu démarré ton projet ?
Je crois que l’idée a toujours été là, quelque part dans ma tête, mais disons qu’il fallait identifier le bon moment et l’éditeur qui puisse porter le sujet. Après L’Histoire du Point’n click et quelques participations au mook, cela s’est matérialisé avec l’éditeur Pix’n Love.

Le projet a dû démarrer vers 2019 et le gros de l’écriture s’est déroulé dans les mois qui ont suivi.

De quoi se compose ton livre ?
Globalement, je me suis penché que les fondations que représentent la création du CPC au sein du groupe Amstrad, sur l’aspect matériel donc et ses différentes évolutions au fil des années (extensions, modèles Plus, console…). Ensuite, j’ai cherché à définir l’impact qu’a eu cette machine autant du côté de la création de jeux, que du secteur de la presse ou encore de la communication en direction d’un public étendu. En se penchant sur différentes thématiques liées aux jeux produits sur CPC (les adaptations d’arcade, les jeux d’aventure…), il s’agissait à mes yeux de capter des tendances majeures représentatives de l’époque. Enfin, je tenais à évoquer la persistance du phénomène Amstrad via la scène de développeurs passionnés qui travaillent toujours sur des jeux CPC aujourd’hui, mais aussi les sites internet dédiés aux machines et aux jeux (comme le tien !), ou encore les youtubeurs qui évoquent les jeux et machines CPC.
Quelles ont été tes sources pour récupérer les différentes informations (livres, magazines, documentations, …) ? Des difficultés particulières pour les récolter ?
Ayant été moi-même utilisateur de ces machines dans ma jeunesse, j’ai conservé un certain nombre de magazines, de documentations diverses et de logiciels. Je possède plusieurs modèles de CPC, mon 464 monochrome d’époque, mais aussi quelques modèles achetés plus tard d’occasion et même une GX 4000 avec une poignée de jeux. Quand le projet de livre a été lancé, j’ai réuni tout cela, et j’ai continué à chercher de la documentation comme la presse spécialisée anglaise (via le site archive.org notamment) et bien sûr française (via le très précieux abandonware-magazines.org).
Tu as sans doute contacté des personnes qui ont participé à cette aventure informatique. On aimerait savoir qui t’as aidé dans ton travail, et si tu as des anecdotes à nous raconter.
Pas mal de rencontres en effet, qui sont reprises évidemment dans l’ouvrage, je laisse donc les lecteurs les découvrir. Et puis ce projet, cela a par exemple été l’occasion de faire connaissance avec toi, d’échanger et c’était un vrai plaisir ! J’ai une pensée particulière aussi pour la team CPC Power ainsi que Yannick Cadin, programmeur du jeu Zombi, qui m’ont accompagné côté relecture, infos techniques et images.
De ton point de vue, quelles ont été les forces et les faiblesses de cette machine ?
La force, c’était évidemment l’intégration et la dimension tout en un du concept CPC, qui a permis de parler au plus grand nombre en des temps où la micro-informatique était encore anxiogène aux yeux du grand public. Le facteur prix a aussi été décisif, ainsi que le look « rassurant » de la machine, qui profite par ailleurs d’une conception robuste et résistante.
Roland Perry, Alan Sugar et les équipes ont vraiment pensé une machine « de bon sens », pratique et embarquant des composants économiques mais qui avaient fait leurs preuves. Le Basic et la documentation livrée, très solides, ont marqué les esprits à la sortie. Côté faiblesses, on peut pointer des capacités sonores moindres que le C64 par exemple, à cause de ce haut-parleur flanqué à l’arrière du châssis faisant caisse de résonance ( !) ou l’absence de scrolling hard sur les modèles originaux. Difficile par ailleurs de ne pas évoquer la gamme Plus/GX 4000 qui aurait dû marquer un tournant pour la gamme, si elle avait été plus ambitieuse sur le plan technique. L’implantation des CPC, principalement dans quelques pays européens, lui a interdit d’avoir une audience massive à l’échelle globale comme le C64 a pu le connaître par exemple.  
As tu eu des échanges avec Alan Sugar, Marion Vannier, José Luis Dominguez ?
Alan Sugar, pas directement à l’époque, je suis passé par un proche collaborateur qui m’a apporté des précisions quand j’en avais besoin et qui était en contact avec le fondateur d’Amstrad. En ce qui concerne Mme Vannier, j’ai eu le plaisir de discuter avec elle par téléphone il y a déjà quelques années.
Si tu pouvais revenir dans le temps et participer au projet, qu’apporterais-tu comme modification ?
Je rafraîchirais la gamme plus tôt qu’en 1990, y compris côté lancement de console, pour garder l’initiative et ne pas arriver aussi tard, avec du matériel dépassé. Mais c’est facile à dire en 2024…
Le format 3′, coûteux et difficile à trouver, a-t-il handicapé la marque ?
Cela a, je pense, contribué à isoler les CPC, alors que la plupart des machines optaient pour le 5’ ou surtout le 3,5’ plus pratique et bien moins cher. Quiconque a vécu la fameuse pénurie de disquettes se rappellera combien cela soulignait alors le choix discutable d’Amstrad. Cela dit, il faut reconnaître que ces disquettes étaient plutôt solides et résistantes…
Malgré le temps, les machines ont bien résisté et sont pour la plupart encore fonctionnelles. Pense tu qu’il nous reste encore de belles années devant nous ?
La solidité des CPC m’a toujours surpris. Après, comme tout matériel informatique, ils ne sont pas éternels… mais il me semble que la conception simple et efficace de ces machines les rend assez faciles à entretenir et réparer le cas échéant (la panne de la courroie de lecteur disquettes ne compte pas, hein !). Ce qui est intéressant, c’est que l’âme de ces machines pourrait bien persister à la disparition programmée du matériel, via notamment l’émulation.

Si notre génération regarde ces machines avec nostalgie en tant qu’utilisateurs de l’époque, les futures générations pourraient continuer à se pencher sur l’histoire des CPC mais aussi et surtout les nombreux logiciels qui sont nés dessus. Tout cela fait partie de l’histoire de la micro et du jeu vidéo, par extension, en particulier en France et en Espagne, et j’ai espoir que le CPC sera toujours évoqué, analysé voire joué dans plusieurs décennies !

Un ouvrage comme le mien, ou ton site Internet, sont aussi pensés dans cette optique, de porter la mémoire des machines, logiciels et personnes qui ont participé à cette aventure pas comme les autres…

L’arrivé en masse du Format compatible PC a fait disparaître les petites machines. Pense tu que la micro-informatique aurait pu continuer à coexister avec ces machines plus professionnelles ?
Difficile de résister au raz-de-marée PC, vers le début des années 90 quand les prix ont baissé fortement et que ces machines, aussi performantes dans le milieu professionnel que désormais dans le jeu vidéo, se sont massivement démocratisées… Avec un secteur de la console 8 ou 16 bits qui s’envole également alors, il ne reste plus beaucoup de place aux illustres vétérans Sinclair, Amstrad and co.
Amstrad à diffusé de nombreux produits électroniques et informatiques, quelle est ton préféré. Et au niveau CPC ?
Je me rappelle du magnétoscope à double lecteur qui permettait de copier les films facilement ! Côté CPC, mon préféré reste le 464 pour son look unique, mais j’aime beaucoup aussi le 6128 qui m’a accompagné de longues années. J’ai toujours un regret de ne pas avoir acheté ce 664 qui me faisait de l’œil sur un vide-grenier il y a 20 ans, il est bien difficile à trouver aujourd’hui !
La sortie des Amstrad Plus n’a pas vraiment convaincu, sans doute arrivée trop tard. Qu’elle est ton regard sur ses modèles ? Une machine avec un lecteur de K7 en 1991 avec moniteur monochrome était suicidaire non ?
Tout à fait d’accord, je pense qu’il fallait frapper plus fort (des configurations bien plus musclées) et surtout plus tôt. J’ai à ce propos réalisé que le 464 Plus était particulièrement rare de nos jours, à cause d’une diffusion que l’on peut imaginer assez réduite.
Est-ce qu’Amstrad aurait eu raison à l’époque de se lancer dans la bataille des 16/32 bits contre Commodore et Atari ?
Oui, mais l’attention du constructeur était alors portée vers le milieu professionnel sur lesquels il poussait les PCW et surtout ensuite les compatibles PC. Je pense qu’un 16/32 bits Amstrad avec écran intégré et lecteur 3,5 pouces, ça aurait pu faire son effet ! Encore une fois, pour concevoir un lancement de console « next gen » à l’époque, je pense qu’une assise au niveau mondial était indispensable pour toucher l’Europe, mais aussi les Etats-Unis voire l’Asie et atteindre une taille critique capable d’attirer les éditeurs tiers majeurs et de pouvoir inquiéter Nintendo ou Sega.

Amstrad n’en était pas là.

Amstrad a voulu entrer sur le marché des consoles avec sa GX4000. Malgrès les précédents succès de la marque, ce fut un échec. Le manque de jeux ? Sa technologie ? Son tarif ?
A peu près tout cela !

Trop chère, pas assez puissante, presque « has-been » dès sa sortie, la console était condamnée d’entrée, Amstrad capitalisant sur un nom qu’il pensait capable d’avoir un écho sur le secteur console. En dehors de ces problématiques, le manque de jeux probants au lancement souligne aussi combien les machines des deux géants japonais profitaient avant tout des jeux et savoir-faire maison en game design (Super Mario Bros, Sonic…), ce qui manquait totalement à une firme comme Amstrad, venue de la micro.

Le CPC a cartonné en Europe, en particulier en France et en Espagne. comment le classes-tu parmi la concurrence de l’époque ?
Une machine populaire dans le sens le plus vertueux du terme. Sa facilité d’accès et d’usage, prédisant le « plug and play » des années avant, lui a permis de se distinguer. Dommage en revanche que la tentative d’implantation aux USA a raté, mais les jeux étaient déjà faits…
Le charme de cette époque était la diversité des jeux. Quels sont tes préférés ?
Plein !

Le Pacte d’Eric Chahi, Sram 1 et 2 côté aventure, Sorcery ou les Cauldron côté action/aventure, Bomb Jack, Gryzor ou Ghosts’n Goblins côté portages arcade, des grands classiques comme Boulder Dash  ou Crafton & Xunk…

Les adaptations insensées type Defender of the Crown ou Manoir de Mortevieille… Les OVNIS comme les jeux Cobrasoft, Eden Blues… Une bombe comme Target Renegade sur lequel j’ai passé des heures, un plaisir coupable type Turbo Esprit ou Airwolf 2… Plein !

La programmation des jeux étaient pour la plupart très amateur. Il fallait du volume ce qui a influencé sur la qualité. Quand on voit les productions qui sont sorties par la suite comme par exemple Orion Prime, on peut se dire qu’il y a du gâchis. Le CPC en avait sous le capot non ?
Tout à fait, on a régulièrement la sensation de (re)découvrir le CPC via les productions modernes qui le poussent dans ses retranchements. Après, il faut rappeler que la production à l’époque de sa vie commerciale devait se faire rapidement pour répondre au marché, et que les outils de création ont évolué aussi.

Mais cela reste fascinant de voir ce que ces machines, y compris les Plus/GX dont on se moquait à l’époque, pouvaient potentiellement produire des merveilles.

Amstrad a vraiment marqué la France et même l’Europe avec ses CPC, ses PCW et plus tard ses PC, qu’est-ce qui selon toi a manqué à Amstrad pour rester un grand constructeur informatique jusqu’aux années 2010-2020 ? (Leur dernier PC est sorti en 1995).
Je pense qu’ils n’ont pas assez soutenu le segment « familial » et donc jeu vidéo, en tablant beaucoup sur le secteur semi-professionnel, qui reste relativement fermé et trusté par les grandes marques mondiales.

Au milieu des années 90, quand le prix des composants PC ont globalement chuté, la concurrence en machines peu chères dites « compatibles PC » a explosé.

Tu as sans doute remarqué que la communauté CPC existe encore et qu’il sort toujours de nouveaux programmes mais aussi du matériel. Tu nous prend pour des fous ?
Surtout pas !
Je suis au contraire totalement fasciné par cette scène qui continue à faire vivre une machine commercialement disparue depuis plus de 30 ans. Une belle histoire, à l’heure de l’obsolescence programmée et du zapping perpétuel côté matériel. Et puis il y a toujours des histoires personnelles, souvent touchantes, avec des machines qui représentent généralement bien plus que des assemblages de plastiques et d’électroniques à nos yeux…
Sur quoi travailles-tu actuellement et quel sont tes prochains projets ?
Là je prépare la prochaine émission de Super Vieux Jeux pour Origami (rendez-vous sur la chaîne Youtube d’Origami) et toujours le podcast Silence On Joue de la prochaine semaine (avec une actualité bien chargée en cette fin d’année !). Des articles en cours pour Jeux Video Magazine aussi, qu’on trouve en kiosques.

Côté livres, j’ai récemment signé SOS Fantômes : L’Esprit des Années 80 chez Third Editions, qui analyse l’évolution de cette franchise que j’adore !

Un grand merci à toi pour tes réponses et surtout pour ton livre hommage à nos CPC. Comme à l’habitude, je te laisse le dernier mot pour nos lecteurs.
Merci à toi et bravo pour cet excellent site sur lequel tu travailles depuis toutes ces années. Tellement d’interviews passionnantes ! Cela me touche toujours autant de voir cette communauté qui œuvre au souvenir de cette machine qui nous a tellement marqués. Le CPC aurait pu être oublié depuis longtemps, j’ai l’impression qu’il est au contraire plus présent que jamais aujourd’hui, alors qu’il fête ses 40 ans, chez les passionnés.

Longue vie au CPC !

Le livre est disponible sur le site Pix’n’Love :

Génération Amstrad CPC (49.90€)

  • 536 pages
  • Format A4
  • Couverture cartonnée

EDITION COLLECTOR (59.90€)

Cette édition limitée et numérotée comprend :

  • Le livre Génération Amstrad CPC avec couverture cartonnée.
  • Un fourreau cartonné.
  • Deux lithographies reprenant des illustrations exclusives du célèbre “Croco” Amstrad.
  • Un certificat d’authenticité numéroté.
  • Un poster inédit en format A3.

https://www.editionspixnlove.com/smartblog/127_generation-amstrad-cpc.html

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