Vincent Grenet • L’aigle d’or

Pouvez-vous tout d’abord vous présenter ?

J’ai 39 ans, diplômé en 1987 de l’École supérieure d’informatique (ESI) à Montreuil. Je construis toujours des logiciels, en ce moment, dans le monde télécom.

Quand avez-vous découvert l’Amstrad CPC ?

Quand il est sorti. J’étais étudiant à l’ESI, et comme la plupart des étudiants, surtout le groupe que je formais avec quelques amis, notre intérêt pour les nouveautés était grand. Beaucoup de machines intéressantes sont sorties à cette époque ou un peu plus tard (Sinclair Quantum Leap, Amiga, Atari ST…), avant que le standard IBM PC ne ratiboise tout.

Avez-vous été en contact avec l’informatique auparavant ? Comment et avec quel(s) micro(s) ?

L’Aigle d’Or sur CPC

J’en entendais un peu parler à la maison, car mon père en utilisait pour son travail.

Au palais de la découverte, j’ai assisté à un exposé (sujet : “les ordinateurs”), un Comodore PET 2001 (CPU 6502 1MHz, 16Ko RAM) servant aux démonstrations. Quand j’étais au lycée, je passais un peu de temps au rayon micro-informatique des magasins à expérimenter avec (toujours) un PET 2001. Il n’y avait de toute façon pas beaucoup de choix à l’époque, les micros étaient rares et je ne connaissais personne qui en possédait.

Ensuite mon père a acheté un Apple II+ (6502 1MHz, 64Ko de mémoire, une bête de course à l’époque). Là, j’ai commencé à être sérieusement accro. J’ai commencé en Basic, puis je me suis mis rapidement à l’assembleur, là non plus pas beaucoup de choix dans les langages ; j’ai acheté plus tard une carte d’extension avec un Z80 pour utiliser un compilateur C. A l’ESI, on utilisait un IBM 370 pour faire du FORTRAN.

Pour Loriciels, j’ai utilisé deux machines à base de Z80, ensuite uniquement des PCs.

Quand avez-vous abandonné le CPC ?

Je n’y ai plus touché après avoir développé l’Aigle d’Or.

Qu’en pensiez-vous à l’époque et qu’en pensez-vous maintenant ?

Le CPC était une très bonne machine. D’un point de vue industriel, les options (composant éprouvé tel le Z80) étaient bonnes, le logiciel de base (pas vraiment un système d’exploitation, mais plutôt un ensemble de code pour piloter les fonctions de base type écran, disquette…) était assez bien fait, et surtout très bien documenté, contrairement à d’autres machines.

Il était assez compact, livré avec un moniteur (c’était rarissime à l’époque, et ça permettait de ne pas monopoliser la télé familiale), lecteur de cassette (puis de disquette) intégré, un clavier agréable (c’est important quand on passe beaucoup de temps à taper dessus). Ce sont tous ces éléments combinés qui ont fait son succès.

Possédez-vous toujours un ordinateur Amstrad ?

Je n’en ai plus, et n’en ai jamais eu à moi. J’ai développé l’Aigle d’Or sur une machine prêtée par Loriciels.
Quelles utilisations aviez-vous ?
Aucune autre que de développer le jeu.

Comment voyez-vous aujourd’hui l’Aigle d’Or ?

Son succès m’étonne toujours… Franchement, je n’ai jamais trouvé d’intérêt à jouer à ce jeu ; par contre, j’y ai trouvé un intérêt à le développer, j’ai appris à cette occasion beaucoup de techniques très utiles.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce jeu ?

Un camarade d’école et moi avons décidé de faire des jeux. Nous avons choisi un éditeur presque au hasard (Loriciels était assez connu) dans un journal, nous avons rencontré les deux fondateurs Marc Bayle et Laurent Weill. J’ai d’abord développé un logiciel de dessin (le “paint” de l’époque) sur une machine appelée Lansay 64 (Z80 1MHz, 64Ko RAM) qui n’a pas eu beaucoup de succès (le logiciel n’a finalement pas été édité).

Ensuite, Loriciels m’a confié le développement de l’Aigle d’Or sur CPC.

Comment s’est déroulé sa conception ?

Le jeu lui-même existait déjà sur Oric. J’ai repris le scénario tel quel. Dans un premier temps, j’ai réalisé des graphiques presque identiques à ceux de la version Oric, mais l’éditeur a voulu les améliorer, et les a confiés à une graphiste. L’amélioration des graphiques est un des points qui a été reproché à la version Amstrad !

Avez-vous rencontré des difficultés ? Si oui, lesquelles ?

Pas vraiment de difficultés techniques. Le jeu est sorti en retard, mais ça n’a rien d’étonnant. À l’époque, c’était le programme le plus évolué et le plus volumineux que j’ai écrit. Le développement a duré quelque mois en parallèle avec mes études.

L’Aigle d’Or a eu un succès phénoménal. A quoi l’attribuez-vous ?
Je crois que la version Oric s’est bien mieux vendue (proportionnellement au nombre de machines), et c’est surtout elle qui a eu le retentissement que l’on connaît. La version CPC n’a été qu’une continuation, où l’esprit du jeu était totalement respecté.

Quels langages avez-vous utilisé ? Utilisiez-vous des outils de programmation particuliers ?

Tout a été écrit en assembleur Z80. Il me semble (parce que je ne me souviens pas avoir utilisé un logiciel connu) avoir écrit un outil pour faire la première version des graphiques.
Parlez nous un peu de votre boulot à l’époque. Comment cela se passait il ? Avez vous des anecdotes ?
Je n’ai malheureusement pas grand chose à dire sur Loriciels. J’ai fait tous les développements chez moi.

Que pensez-vous de la direction qu’a prise l’informatique avec l’avènement du standard IBM ?

Cette architecture ouverte a permis d’avoir des machines dont on n’aurait pas imaginé la puissance actuelle : en 1980, le PC est sorti avec 16Ko RAM et une interface K7. Le maximum de RAM possible à l’époque était de 640Ko (qu’on ne pensait jamais remplir).

On a maintenant des machines qui trustent la presque totalité des machines de bureau (plus de 80%, qu’elles soient sous Linux ou sous Windows), et même une bonne partie des serveurs. C’est certainement son ouverture qui a fait son succès, sur un modèle similaire à celui qui fait celui de Linux actuellement, alors que les options fermées (je pense à Apple) sont mortes d’inanition.

Avez vous gardé des contacts avec des acteurs du secteur de l’époque ?
Non.
Étiez-vous au courant des activités de la scène CPC (sites, démos, conventions, etc.) ?
Pas du tout. J’étais assez isolé.
Interview réalisée au mois de Mai 2004. Merci à Vincent Grenet pour sa coopération.

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