Trop souvent nous sommes en admiration devant un soft, que ce soit par rapport à une programmation quasi parfaite, un graphisme somptueux, ou même une musique qui nous laisse rêveurs. C’est ainsi que des jeux comme Sorcery, Gryzor, Stormlord, Titan et beaucoup d’autres demeurent à jamais graves dans nos mémoires. Il y a toujours une personne, voire une équipe responsable de ces chefs-d’œuvre, qui, malheureusement, restent souvent dans l’ombre.

PHILIPPE PAMARD, LE TITAN DU CPC

A Cent Pour Cent nous avons pris l’initiative de vous présenter chaque mois une personnalité ayant participe à l’élaboration d’un de ces petits bijoux qui nous ont fait passer des nuits devant nos micro. Pour commencer en beauté, voici l’interview exclusive de Philippe Pamart, a qui l’on doit la réalisation de Titan, ainsi que l’adaptation sur CPC de Crazy Cars 2, et croyez moi, il est loin (de mini-bus) d’avoir dit son dernier mot.

 

Nous : Avant d’aborder les questions techniques, peux-tu nous raconter tes débuts dans le monde de l’informatique ?
Lui : Mes débuts se sont faits en 1983 84, sur les games des ZX-80. Je me suis amusé en assembleur, petit a petit, quoi. Le ZX-80 possédant un microprocesseur Z80, je suis reste dans la même famille en achetant un Amstrad. Tout d’abord, je n’étais pas trop emballe, mais après quelques petits essais, j’ai trouvé ça marrant.

 

Nous : Quels étaient tes premiers programmes ?
Lui : En voyant les jeux que j’achetais, je me suis dis que l’on pouvait faire un peu mieux. C’est de la qu’est partie l’idée de bidouiller les jeux que je possédais pour les accélérer.

 

Nous : Et ton premier jeu ?
Lui : Celui qui n’est pas sorti dans le commerce, bien sur. C’était un jeu d’aventure, genre Elite, dans l’esprit Fligh Simulator 2 avec un tableau de bord, ou tout le jeu consistait a manipuler l’appareil. Je l’ai laisse tomber ; manque de temps car je partais a l’armée.
Toujours Lui : Les militaires ayant de bonnes idées, je me suis penche sur un autre jeu avec un écran du type arcade. Titan n’était pas une idée très réfléchie au départ. J’avais des routines très rapides, et autour de ces routines, j’ai fait le jeu.

 

Nous : Et les graphismes dans Titan ?
Lui : J’ai programmé et fait tous les dessins de Titan, j’avais même une musique que je ne trouvais pas géniale, c’est la raison pour laquelle Titan n’a que des bruitages.

 

Nous : Quels sont les utilitaires que tu utilises pour tes jeux ?
Lui : Comme assembleur, j’utilise Pyradev, qui, selon moi, est le meilleur. En ce qui concerne les dessins, je me suis fait un éditeur de sprites qui me suffisait amplement. Pour les sons, j’avais écrit un utilitaire permettant de jouer des sons au 300e de seconde (NDR : L’Amstrad gère les sons au 50e de seconde).

 

Nous : Que penses-tu des 16 bits?
Septh : C’est beaucoup pour un seul homme.
Lui : OK, c’est mieux, mais dans ce cas je préfère les 32 bits. J’ai un Archimedes (NDSined : Je te dis que ça une bombe.), je programme dessus et en même temps je programme sur CPC pour porter le même message.
Bien sur, il ne faut pas programmer le CPC n’importe comment.
Elle : Salut Pierre, salut Poum ! (smack, smack)

Nous : Salut Miss! (smack, smack)
Lui : Whaou !

 

Nous : Hum, oui. Mais un jeu sur 16 bits et le même sur CPC, à fait une différence, non?
Lui : Bien sur, mais on peut, si l’on prend son rôle de programmeur à cœur, faire des choses que l’on pensait impossibles. Pour les sprites par exemple, en faisant une adaptation, on peut réduire les séquences d’animation sans que le résultat n’en souffre, ou compacter les sprites en mémoire pour les décompacter en temps réel, ce qui demande encore une fois une programmation très poussée mais tout a fait jouable.

 

Nous : En parlant de jeux, tu travaillais pour Titus, tu les quittes pour travailler en indépendant pour des éditeurs comme Silmarils. Peux-tu nous dire les raisons de ton divorce?
Lui : Humm, euh, c’est-a-dire que, euh…

 

Nous : Disons que le fait que tu travailles en indépendant te laisse le choix de tes horaires de travail.
Lui : C’est ça.

 

Nous : Quels sont, pour toi, les moments les plus propices a la programmation ?
Lui : La nuit évidemment. Le calme de la nuit, l’esprit qui sort de ton cerveau, tu peux profiter pleinement de ta mémoire.

 

Nous : Actuellement, tu travailles sur quel projet ?
Lui : Je suis en plein dans l’adaptation de Windsurf Willy, qui est un simulateur de planche a voile avec une animation d’enfer. C’est le genre « j’affiche en permanence la mer pour recréer un mouvement réaliste », sans parler des mouvements impressionnants que peut prendre le joueur sur sa planche, ce qui en fait un jeu difficile a adapter, mais le résultat sera de très bonne facture. J’aimerais bien, après, faire l’adaptation de Targhan.

 

Nous : Quelles sont les qualités premières que doit posséder un jeu digne de ce nom ?
Lui : Une animation de bonne qualité qui donne l’impression de glissement. Les jeux qui affichent leurs sprites en 25 images/seconde sont saccadés, dans le sens ou le balayage écran se fait tous les 50e de seconde ; on en déduit facilement que le sprite sera affiche deux fois à la même place pour tous les déplacements. Il n’ empêche que le 25e est tout a fait acceptable. Sinon il y a les jeux en 16 images/seconde, 13, 10 et 8 images/ seconde. En dessous, vous pouvez remplir votre rubrique poubelle. Attention, je parle d’images car on peut afficher un sprite, qui fait un pixel, 256 fois par seconde mais je n’appelle pas ça de l’animation.

Nous : Quelle est ta réaction quand tu vois que, depuis la sortie de Titan, il y a dans beaucoup de jeux des scrollings qui vont dans tous les sens, rappelant ceux de Titan ?
Lui : Ça me fait plaisir, bien entendu, mais il faut savoir que je n’ai pas inventé la poudre et que d’autres jeux l’avaient fait avant moi. Le seul plus, dans Titan, c’est le fait que ce soient une balle et une raquette qui aillent dans tous les sens.

 

Nous : Après les zolies musiques et les animations parfaites, quelles sont, a ton avis, les techniques qui restent a développer sur CPC ?
Lui : Sans hésitation, je dirai l’optimisation. C’est un plaisir personnel. En fait, je préfère optimiser un jeu plutôt que l’écrire. Dans Windsurf Willy par exemple, j’ai écrit des routines pour afficher les sprites que je pense avoir pousses a la limite du possible. Ça m’ étonnerais que l’on puisse aller beaucoup plus vite. C’est presque de l’optimum.

 

Nous : Il y a, dans le monde des programmeurs, « les secrets » qui ne circulent pas si facilement. Que penses-tu de notre initiative de dévoiler ces secrets, comme, par exemple, la publication des routines d’Overscan dans le Cent Pour Cent de ce mois-ci ?
Lui : Ça ne peut que faire du bien, dans le sens ou ce n’est pas le programmeur détenant un secret qui va faire les dix softs qui seront réalises a partir de cette même routine. Je reconnais tout de même qu’il est dur de donner une routine que tu as passe plusieurs nuits a développer ; on a envie d’en profiter d’abord.

 

Elle : Vous venez prendre un café ?
Lui : Oh oui, tout de suite.

Nous : Tout a l’heure, on n’a pas fini. La musique qui te fait rêver ?

Lui : Art of Noise, Pink Floyd. Je n’aime pas les musiques du genre Top 50, c’est comme les 16 bits, ça me donne des boutons. Mais que cela reste entre nous, n’est-ce pas?

Nous : Oui, oui. Et tu aimes lire ?

Lui : J’aime la série d’Achille Talon, le style Hugo Pratt, donc Corto Maltese.

Nous : Voici une série de questions rapides et stupides, comme on les aime.

Q. : Quelle est la couleur de tes chaussettes ?
R. : Bleu.

Q. : Quel est le défaut qui te déplaît le plus chez les autres ?
R. : Les miens, c’est-a-dire ne jamais être a l’heure.

Q. : Tu aimes les chats ?
R. : Boooo.

Q. : Que bois-tu le matin ?
R. : Du rouge, car je me réveille a midi.

Q. : T’es habillé comment quand tu programmes ?
R. : En short, pour faire sportif.

Elle : Salut les mecs, je m’en vais.

Nous : Philippe, on te remercie, et te souhaitons beaucoup de courage pour la suite.
Lui : Super, je suis presse car j’ai un avion a prendre.

Propos recueillis par Pierre et Poum, ACPC n°18 Septembre 89