Interview de M. Roland Perry
(Le père des CPC, PCW et PC).

 

Une interview de M. Perry avait déjà été réalisée par Vicente Simon pour le site http://www.silicium.org. Afin d’éviter la répétition de question, j’ai simplement complété cette interview  par des questions qui restaient pour moi en suspend et que je vous livre dans la première partie. La deuxième partie de l’interview est celle de Vicente. Merci à Silicium et à son président vénéré 😉 de m’avoir permis de l’utiliser. N’hésitez pas à aller faire un tour sur leur site.

 

Le début

– Comment avez-vous commencé le développement d’ordinateurs ? Et pourquoi ?
Quand le premier microprocesseur est apparu vers 1974, son but était de concentrer des opérations logiques, comme par exemple avec des feux de signalisation. Mais le prix de vente de ces processeurs était élevé, ce qui a conduit à une utilisation plus rentable, l’émulation de mini-ordinateur. Je programmais les minis à l’école et à l’université. La réalisation de minis qui tiennent dans une valise faisait partie du cursus. Cela correspondait parfaitement avec mon activité de l’époque, la conception de circuits électroniques, qui utilisaient de plus en plus de logique TTL.

 

Roland et Amstrad

– A quels projets Amstrad avez-vous collaboré ?
Tous, du CPC au PC série 3000. Mon dernier fut un portable de type Laptop.

– Quand avez-vous quitté Amstrad ?
En 1990

Pourquoi avez-vous quitté Amstrad ?
Au début, j’étais le seul responsable de la conception des ordinateurs. Au fil du temps, la conception est devenue de plus en plus complexe. Un nombre croissant de personnes étaient impliquées, je ne pouvais plus apporter de « plus ».

 

Le CPC originel

– J’ai entendu dire que le projet original du CPC, auquel vous n’avez pas participé utilisait 2 processeurs 6502. Est-ce vrai ? Quelle est la véritable histoire de ce prototype ? Quelles étaient ces spécifications ?
Un 6502 servait de CPU, l’autre faisait tourner le son et le port cassette. Cette machine était très simpliste.

Questions CPC
– Pourquoi les ordinateurs Amstrad ne se branchaient-ils pas simplement sur la télévision, comme tous les autres 8bits de l’époque ?
Alan Sugar pensait que les gens ne voulaient pas voir leur téléviseur monopolisé par l’ordinateur et des jeux. L’idée était de que l’ordinateur de jeu devait être autonome et d’un seul bloc.

– Cela était un avantage ?
Nous pensons avoir vendu plus de machine grâce à cela.

– Amstrad pensait que les disquettes au format 3’’ était un avantage ? que d’autres sociétés l’auraient ensuite choisi ?
Non, pas vraiment, bien que les autres firmes anglaises de micro-ordinateurs l’avaient choisi. Nous avons fait attention à choisir un format de contrôleur et disque standard, pour être compatible avec d’autres tailles. En fait, nombre de prototypes avait un lecteur 5 ‘’1/4. Cela permettait de transférer facilement les données depuis les machines de développement, des PC d’IBM.

Projets
– J’ai entendu parler d’une version couleur du PCW/Joyce qui aurait été complètement compatible avec les CPC. Quels développements a eu ce projet ?
Nous avons fait environ la moitié du travail de conception, et rien au niveau ingénierie de production, bien que de nombreux composants étaient issus du PCW monochrome. Un mode de compatibilité CPC était prévu, avec plus de couleurs, de sprites. Des idées qui ont été reprise dans la console de jeu.

– Quel projet auquel vous avez participé vous a le plus plu ?
le PCW8256

– Quel projet a été le plus délicat ?
Le plus stressant a été le PPC, pour obtenir le système prêt dans les temps.

– Quel projet auriez vous aimé voir fini ?
le Joyce couleur fut le seul projet que nous n’avons pas terminé. Il y en a eu plusieurs que nous n’avons pas démarré. La fonctionnalité j’aurai aimée implanter le plus est un synthétiseur vocal. Genre Hindsight, un ajout pour le PCW.

– Amstrad avait-elle un projet d’un ordinateur 16bits, genre Commodore Amiga ou Atari ST ? Si oui, avez vous des informations sur son développement ?
Non. Il y a eu des plans pour créer un compatible PC orienté jeu, mais les coûts de production auraient été trop élevés.

– Ce développement était-il avancé ? Etait-ce un genre de Microsoft Xbox ?
Non, cela aurait été très proche d’un PC de bureau, il y aurait eu l’ajout d’un lecteur de cédérom bien avant que ce dernier ne soit généralisé.

– Pourquoi Amstrad à sorti un CPC+ 8bit au lieu d’un 16bits à base de eZ80 ?
Pour garantir la compatibilité.

 

Unités vendues
– Quel est la machine Amstrad qui n’a pas atteint ses objectifs de vente ?
C’est un 8bits, le PCW9000 qui ne s’est pas vendu comme nous l’espérions. Le seul véritable grand succès est le PC-1512, qui a continué à se vendre même après que le 1640 ait été retiré du marché.

– Combien de PC-1512 et de PC-1640 ont été vendu ?
Je ne sais pas exactement, peut être 2 millions.

– Vous reste-t-il des machines de développement ? Pourriez-vous nous les présenter ?
Non

La fin de l’ère ordinateur pour Amstrad
– Pourquoi Amstrad a abandonné le marché des micro-ordinateurs ?
Amstrad a racheté Viglen, ils y ont alors transféré l’activité micro-informatique.

– Que pensez-vous du fait qu’Amstrad, avec Apple, soient les seules sociétés qui ont créé des 8 bits et qui ont survécu ?
Ces deux sociétés produisaient quelque chose que les autres ne faisaient pas. Leur machines convenaient pour la famille, les amateurs et les professionnels. Il est très difficile de réussir dans ces trois catégories simultanément. Les gens pouvaient les acheter au près de fournisseurs traditionnels. Amstrad avait toujours une activité de Hi-Fi et de satellites, qui a compensé quand la micro-informatique a périclité.

 

Collectionneurs
– Que pensez-vous des gens qui continuent d’utiliser des CPC et qui collectionnent les ordinateurs ?
Je suis heureux que tant de gens utilisent et collectionnent les CPC. Cela signifie qu’ils sont devenus des classiques, au même titre que les vieilles voitures !

 

Le CPC 472
– Le modèle Amstrad CPC 472 ne fut vendu qu’en Espagne. Avez-vous participé à son développement ? Savez-vous des choses sur lui ?
Je ne m’en souviens pas, mais j’ai fait tous les CPC. J’ai eu des rumeurs sur l’existence de clones. En Espagne, il s’agissait peut être d’un clone ? A quelle date était-il disponible ?

– Le CPC472 n’était pas un clone. Il est sorti en Espagne via le distributeur officiel Indescomp vers la fin 1985. Avez-vous des informations là-dessus ?
Je n’en ai jamais entendu parler.

– A la vue de la carte mère du CPC472 et bien que vous ne l’ayez point développé, pouvez-vous me dire quelles modifications ont été apporté au 464 pour inclure les 8Ko de RAM.
La modification (qui n’a pas été conçu par mon équipe de Brentwood) est probablement une version 8Ko de la modification ultérieure qui a permis de rajouter les 64Ko pour faire le 6128. Le processeur Z80 ne peut voir que 64Ko de mémoire à la fois, toutes les extension mémoire se font par de la commutation de pages.

 

Anecdotes
– Avez-vous des commentaires de toute sorte sur l’histoire d’Amstrad qui pourraient être intéressants ?
Chaque projet que nous avons réalisés était effectué dans un temps très court. Du coup, la fabrication des manuels devaient être prêts avant que le logiciel ne soit fini. Je me rappelle que les instructions de déballage du PCW8526 étaient difficile à rédiger car l’emballage n’était même pas prêt. De nombreuses personnes critiquaient les manuels et on se disait qu’on aurait pu mieux faire.
Mais à chaque fois, qu’on demandait à ces gens de rédiger les manuels, ils s’exclamaient « Etes-vous fous, fournissez-nous un ordinateur finalisé et nous saurons combien de temps il faut pour réaliser ce manuel. »

– Avez-vous des anecdotes autour du développement des ordinateurs Amstrad ?
Une est toujours valable de nos jours. Quand nous avons commencé, il y avait un classement des meilleurs micros. Au Royaume-Uni, il y avait Commodore, Sinclair, Acorn, Atari, Tandy et Apple. On se demandait comment nous allions pouvoir les détrôner. Il était inconcevable que ces toutes marque coulent. Et la firme qui a gagné n’est aucune d’entres elles, c’est Nintendo !

– Sur quoi travaillez vous actuellement ? Est-ce en rapport avec l’informatique ?
Je suis consultant auprès des fournisseur d’accès Internet (ISP) au niveau législatif.

 Vicente Simon pour le site http://www.silicium.org

 

– Quelle a été votre première réaction quand Amstrad vous a demandé de participer au projet CPC ?
Cela paraissait un challenge intéressant. Faire un ordinateur personnel sans répéter aucune des erreurs précédemment commises par les autres ingénieurs, et avec la garantie d’être fabriqué avec sérieux et vendu en masse puisqu’il s’agissait d’Amstrad

– Que pensiez vous de cette machine ? Et qu’en pensez vous maintenant ?
Que c’était une merveille et d’un design élégant. Qu’elle fait exactement ce à quoi elle est destinée. Et que comme exemple d’un usage approprié de la technologie, elle a très bien passé le test du temps.

– Que pensez vous de tout ce qui a été dit à propos de l’abandon du 664 par Amstrad ?
Je ne comprends pas tout ce tapage. Après avoir créé le 464, il y avait deux choses que les gens n’arrêtaient pas de nous demander. Une unité de disquettes et plus de mémoire. La plus facile à fournir était l’unité de disquettes. Puisqu’il y avait également un modèle avec l’unité ET la mémoire additionnelle, il n’y avait aucun intérêt à garder les 3 modèles.

– Quelles étaient vos relations avec AM Sugar, Amstrad et MEJ ?
Alan Sugar était l’âme d’Amstrad et dans le sens propre du terme mon principal client. Après le lancement du 464, je suis devenu un employé, ce qui m’a permis de me concentrer pleinement sur ma tache. MEJ étaient des sous traitants de la partie éléctronique et j’ai travaillé étroitement avec eux.

– Quelles étaient vos relations avec Locomotive Software et plus tard Amsoft ?
Locomotive étaient également des sous traitants de la partie logicielle, et j’étais également en étroite relation avec eux. Amsoft était la branche Accessoires et softs, 100% propriété d’Amstrad. C’était juste un nom différent pour tout ce qui ne touchait pas à la conception d’ordinateurs.

– Etait-ce facile de travailler chez Amstrad ? Aviez vous de la « liberté de mouvement » ?
Nous avions des contraintes et des limites assez bien définies

– Que pensez vous de ce qu’a réalisé Amstrad sur le marché de l’informatique ?
Amstrad a fourni aux gens un ordinateur de jeu et d’initiation très bien pensé et a permis grâce aux PCW et PC à un grand nombre de s’équiper et de découvrir l’informatique

– Que pensez vous de ce qui est arrivé à Amstrad par la suite ?
Je n’ai pas et ne suis pas Amstrad depuis mon départ

– Que pensez vous de l’évolution du marché informatique ?
Les ordinateurs ne sont pas plus simples à utiliser et ne sont pas devenus moins chers. Ils sont plus puissants, mais il n’y a rien qui ne soit plus simple ou plus beau qu’il y a 10 ans.

– Possédez vous toujours un CPC ?
J’ai toujours quelques machines dans mon garage.

– Comment expliquez vous le non succès d’Amstrad aux USA ?
Ils ont réussi, y vendant plus que dans n’importe quel marché externe. Après, ils furent simplement dépassés par Packard Bell.

– Quel est votre Amstrad préféré ?
Je répondrai différemment à chaque fois qu’on me posera la question Aujourd’hui, je dirai le 8256

– Quel est celui que vous aimez le moins ?
C’est comme me demander ‘quel est votre enfant le plus laid’…

– Y a t-il une machine que vous auriez modifié ou conçu différemment ?
J’aurai préféré que les CPC et les PCW gardent les mêmes claviers quel que soit le modèle.

– Avez vous des regrets de cette époque ?
De ne pas avoir acheté d’actions Microsoft en 1986 (à l’époque, le bureau anglais représentait une douzaine de personnes)

– Quelles étaient vos relations avec la concurrence
J’étais en excellent termes avec grand nombre de leur staff (à part pour Oric qui étaient différents et inférieurs) mais nous ne sommes jamais espionnés (comme le craignaient nos encadrements).

– Avez vous travaillé sur des projects Spectrum ?
J’ai participé au lifting de la gamme, mais il n’y avait pas grand chose pour nous à faire.

– M. Poel dit qu’Amstrad n’a jamais vraiment su les raisons de leur succès. Qu’en pensez vous ?
Je ne suis pas d’accord. Amstrad savait exactement, et Alan Sugar avait l’habitude de nommer cela « le camionneur de l’humide samedi après midi ». S’il voyait un produit Amstrad dans une vitrine, et qu’il était si bon marché qu’il pouvait faire un achat d’impulsion, et que le produit fonctionnait une fois déballé et qu’enfin il s’agissait d’un produit solide, alors c’était un Amstrad !

– Amstrad avait devancé tout le monde avec son PenPad 600 ? Que pensez vous du produit ?
Je n’ai pas travaillé sur ce projet.

Merci à M. Perry pour sa coopération

(c) Charles da Silva – 2003