Serge Hauduc • Sram, Qin

Serge Hauduc est l’auteur des SRAM et de Quin. Il a répondu à vos questions par l’intermédiaire de notre Stéphane Berne, je parle bien sûr du spécialiste des interviews du site : FAGAL ;).
Bonjour Serge, et merci d’accepter cette interview, c’est réellement un plaisir de pouvoir contacter 15 ans après les auteurs de jeux qui nous ont passionnés !
Bonjour à tous. C’est non seulement un plaisir, mais également une surprise de voir que des passionnés se souviennent encore de notre équipe. Cela fait plus de 15 ans, en fait 18 ans pour Sram et 19 pour « Ludessin » que « le fiston » Ludovic a réalisé tout seul alors qu’il avait 15 ans. Ludessin a été vendu à environ 850 exemplaires distribués par une boutique de Rouen. Ludovic programmait déjà en assembleur. Il avait d’ailleurs commencé le langage machine un an plus tôt sur un Sinclair ZX81.

Pouvez-vous nous rappeler les softs que vous avez réalisés (seul ou en compagnie de vos compères Ludovic et le sieur Hemonic) ?

Le tout premier, que j’ai déjà signalé, c’est Ludessin (uniquement sur cassette). Comme son nom l’indique, il permettait de faire des dessins et de les imprimer, ce qui était rare à l’époque sur Amstrad. Ensuite, ce fut SRAM, SRAM2, QIN puis COLORIAGE, tous de la même équipe, soit Jacques Hémonic, Ludovic et moi-même (Egres).
Sur quels supports sont sortis ces titres hormis le CPC ? Il me semble même avoir vu une version de SRAM 2 sur PC, vous confirmez ?
Serge Hauduc -Sram, Qin-
Effectivement, SRAM, SRAM2 et QIN sont sortis aussi sur PC et ATARI. COLORIAGE est sorti également sur PC et ATARI. Je crois qu’il y a eu une version italienne de QIN, mais je n’en ai jamais vu la couleur.
Les jeux d’aventure texte ont eu beaucoup de succès à l’époque. Une idée pour expliquer celui des deux SRAM ?

Lorsque nous sommes allés voir ERE informatique avec SRAM, ils nous ont accueillis à bras ouvert. Cela faisait des semaines qu’ils cherchaient un jeu de ce type qui manquait à leur catalogue. Et nous leur apportions sur un plateau un jeu terminé, il ne restait plus qu’à y mettre la musique et cette « cochonnerie » de protection anti-pirate imposée par l’éditeur et qui ne servait à rien. C’est Philippe ULRICH (directeur de collection) qui nous a fait la musique.

D’où vient ce nom ? Mars à l’envers ou y a-t-il une autre explication ?
Il n’y en a pas d’autre. Ce n’est pas très original, mais ça c’est décidé comme ça entre nous.
Quels outils utilisiez vous pour programmer sur Amstrad ?

Vous le savez sans doute, il n’y avait rien à part le basic Amstrad et l’assembleur. C’est Ludovic qui a créé tous les outils servant à la création « interne » du jeu. Il a commencé par faire un outil pour dessiner avec la taille qu’il nous fallait, les palettes de couleurs. Puis le compresseur/décompresseur d’images (ça devait tenir sur une disquette de 2 fois 180Ko). Il a créé également l’outil pour fabriquer les sprites (mot que l’on n’entend plus aujourd’hui) et les routines assembleur pour les manipuler à partir du basic. Jacques, lui, faisait toute la programmation de l’intégration du jeu par rapport au scénario.

Il est également l’auteur de l’analyseur syntaxique qui a la particularité de toujours trouver une réponse quelle que soit la question. Et si la même question était posée trois fois de suite, la réponse était différente. En effet, 3 dictionnaires tournaient pour assurer une plus grande variété de réponses. Et le tout compliqué par les traductions en anglais et en allemand qui étaient présentes sur la disquette. Une particularité pour remplir les disquettes « comme un &_#339;uf », nous ne passions pas par le système d’exploitation pour lire et écrire. Nous écrivions « en dur » octet par octet sur les secteurs. Moi, j’étais chargé de créer les scénarios et les graphismes que je mettais en forme grâce aux outils de Ludovic.

Dans SRAM 1 et 2, comment le graphiste créait-il les images des lieux et comment étaient-elles compressées ? “Autrement dit, la question est :”Le graphiste utilisait-il un mini utilitaire de dessin vectoriel (fastidieux) ou faisait-il le dessin en bitmap pur et un algorithme puissant chargeait ensuite de le vectoriser (facile pour le graphiste) ?”

J’ai déjà partiellement répondu à cette question. Notre secret résidait dans la puissance des outils de Ludovic. Sram et Sram 2 utilisaient des coordonnées vectorielles. Pour Sram 1, je faisais tout « à main lavée » sur l’écran. Pour Sram2, on avait amélioré en « scannant ». À cette époque, je dessinais sur papier les grandes lignes du dessin en noir et blanc. Puis, je mettais le papier dans une imprimante Amstrad équipée d’une cellule photo électrique qui balayait le dessin et récupérait les pixels en noir et blanc.

L’outil de Ludovic récupérait cette esquisse qui devenait un fond sur lequel je tirais mes vecteurs dans les couleurs de mon choix. Une fois les vecteurs terminés, je remplissais avec des couleurs qui pouvaient être des trames très complexes… Pour Qin, tout était en bitmap. Ludovic avait créé un algorithme qui faisait d’abord un passage horizontal, puis un passage vertical, et il retenait l’image la plus petite, c’est pour ça que certains écrans s’affichent en rideau de haut en bas, et d’autres de droite à gauche. Chaque octet comptait ! Ludovic a découvert plus tard que c’était le même principe utilisé pour le format GIF, Il a donc réinventé la roue ou peut-être GIF est arrivé après ?? (Voir la copie d’une des esquisses de QIN).

Avez-vous toujours des contacts avec Jacques Hémonic et que devient le fiston Ludovic ?

Jacques travaille dans une société d’informatique plutôt axée sur la DAO professionnelle. Ludovic, après son diplôme d’ingénieur, a été embauché comme développeur chez Microsoft à Redmond (près de Seattle). Il y est depuis 10 ans et est devenu « Développement Manager » sur MS Project. Il dirige une équipe de 45 ingénieurs développeurs. Il a maintenant 34 ans et 2 enfants. L’autre fiston Nicolas (Salocin) était beaucoup plus jeune, mais ses idées étaient les bienvenues, et puis il débuggait ! Après un diplôme d’ingénieur à Centrale, il est parti vivre et travailler à Londres comme consultant international pour PeopleSoft.

Pourquoi seulement trois jeux sur CPC puis plus rien quand on voit le succès phénoménal des Sram et Qin ? Pourquoi ?

À cette époque, Jacques et moi étions salariés dans la même entreprise, Ludovic faisait ses études. L’enthousiasme de notre équipe a été échaudé par le piratage forcené de cette époque. Ce piratage, à mon avis, a tué beaucoup de talents français. Huit jours après sa mise sur le marché, nos jeux étaient déjà craqués et diffusés dans les réseaux de pirates (il n’y avait pas internet, mais ça allait très vite). Autre raison, ERE avait déposé le bilan au moment où QIN montait en puissance. C’est sûrement pour cela qu’il est moins connu.

Nous avions renégocié nos droits avec Bruno Bonnell (Infogrames) qui, à l’époque, ramassait les miettes de ERE. Mais Infogrames avait sûrement d’autres priorités, QIN en est mort. Je suis sûr qu’avec un scénario à peine adapté, avec les techniques d’aujourd’hui, il ferait un tabac.

Que pensez-vous de cet engouement pour le CPC 20 ans après, des sites de fans, de l’abandonware ?

Je pense que cela fait du bien de voir que des personnes enthousiastes continuent de faire vivre cette informatique. Cela me parait sain que l’on rende hommage aux pionniers aussi bien coté matériel que logiciel de cette informatique qui a faits celle d’aujourd’hui.

L’idée de départ, le scénario de SRAM, est-ce un processus qui a été long ou est-ce venu tout seul ?

Il nous fallait à peu près 3 mois pour créer un jeu. Sauf Sram qui était le premier et pour lequel on a dû créer tous les outils. Sram nous a demandé 9 mois de travail. Pour le scénario, je travaillais dessus pendant mes vacances. Le scénario de QIN a été créé lors de vacances en Dordogne. J’avais emmené de nombreux livres sur la Chine ancienne.

Dans les Sram, on rencontre Cinomeh, qui est Hemonic à l’envers. De même Egres et Edualc sont Serge et Claude. Mais alors… qui est Claude ? Claude, c’est ma femme. Elle a bien mérité cet honneur vu le temps que nous passions sur les jeux (à son grand désespoir). Ne pas oublier les princes et la princesse (Civodul, Salocin et Eneleh) qui sont mes trois enfants.

Aussi, quel rapport entre la page de présentation de Sram et le jeu ? (on y voit une espèce de module, genre bout de vaisseau cassé) ?

Aucun. C’est Michel RHO le graphiste génial de ERE qui a fantasmé là-dessus. Nous n’y avons trouvé rien à redire. J’en profite pour lui rendre hommage et lui adresser mes sincères salutations.

Quels étaient les outils de création graphique pour SRAM/QIN (vectoriel ? bitmap ?) et comment les “primitives” de dessin des écrans étaient-elles séquencées (manuellement où automatiquement d’après un algorithme) ? Quelles étaient ces primitives (simples “lignes droites” et “remplissages” ou d’autres types comme “arc-de-cercle”, “bézier”, etc. ?) Qui en faisait la création (certains écrans de QIN sont tout de même de toute beauté pour un système aussi primitif) ? “

Cela est expliqué plus haut. Je peux ajouter que Ludovic avait créé en assembleur un compresseur/décompresseur qui analysait le dessin et stockait le minimum d’informations pour le recréer. Le dessin était décompressé en mémoire, puis affiché, ce qui était très rapide.

Est-ce qu’il existe un story-board du jeu, sur papier, un plan, bref, des documents qui auraient survécu ?

Tous les jeux avaient un story board, je les ai tous conservés y compris les fonds d’écran « lus » par notre imprimante. Je vous offre la première page du story board de QIN !
Que devient SRAM 3 ?
J’ai bien peur qu’il n’y en ait pas. Désolé.
Quelques mot sur Qin, très beau jeu mais moins connu que les SRAM ainsi que sur le logiciel de coloriage ? (Je possède encore l’original du coloriage des petits malins !!)
QIN fut une très belle aventure pour moi. Je parle au niveau du scénario. L’idée m’est venu suite à la découverte en Chine de l’armée d’argile grandeur nature qui veillait le tombeau du premier empereur chinois. Ce mausolée a été trouvé par hasard par un paysan chinois. J’ai alors voulu savoir qui était QIN. Pour ce jeu, en plus des dessins « plein écran », des fenêtres s’ouvraient comme des zooms en fonction des actions du joueur.

Comme dans SRAM2, il y avait une gestion du temps qui passe… Après son bac, Ludovic avait décidé de prendre une année sabbatique. Je lui ai fait un scénario pour créer COLORIAGE pour l’occuper. COLORIAGE a été en test dans une école maternelle. Le succès qu’il y a rencontré nous a encouragé à le faire éditer chez CARRAZ. Je suis étonné qu’il y en ait eu en circulation, car CARRAZ a cessé toute activité peu de temps après nous avoir envoyé quelques exemplaires du jeu packagé. Nous n’avons jamais touché le moindre centime sur ce jeu.

Avez-vous toujours un CPC ?
Oui, je le conserve précieusement. Je l’ai réparé il y a quelque mois (la courroie du lecteur- classique quoi).
Serge, ravi que vous ayez pris sur votre temps pour répondre à cette interview collective ! Vos softs ont marqué l’histoire du CPC, c’est pourquoi beaucoup d’entre nous se posent encore des questions à leur sujet (d’ailleurs je n’ai pas tout mis !). Je vous laisse conclure en vous invitant à passer sur le site nous faire un coucou.

Depuis votre contact, je passe régulièrement sur votre site. Il est très bien fait. Que de nostalgie. Merci encore à votre sympathique équipe. Je vous joins quelques petits cadeaux :- Storyboard.jpg qui est la première page du storyboard de QIN.- calque.jpg qui est un des calques que l’on faisait « lire » à l’imprimante pour faciliter les dessins. Et un petit bonus avec auteurs_ERE.jpg C’est une planche représentant les auteurs en vogue chez ERE à cette époque. Les caricatures sont de Michel RHO qui c’est lui-même caricaturé en se donnant un air effrayant alors qu’il est plutôt du genre jovial et sympathique.

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