L’histoire :

Tout le monde le sait, Alan Sugar est ce qu’on appelle un « béotien ». Il pense marché quand tout le monde pense technique (c’est certainement ce qui l’a sauvé du marasme que va connaître l’informatique en 1984). Et quand Alan pense produit, voila ce que ça donne…

Le PCW est né dans l’esprit de Sugar au dessus de l’Asie, dans un avion. En Juillet 84, lors d’un vol entre le Japon et Hong Kong, Sugar demanda un bout de papier à Watkins (un contrat entre Amstrad et Digital Research, rien de moins…) et dessina un ordinateur qui réunissait toute la philosophie Amstrad que l’on retrouve dans la Hi-Fi (tours) et le 464. Il s’agissait d’une boîte contenant le moniteur, le lecteur de disquette et l’imprimante. Le moniteur était au format A4, le drive était sous ce moniteur. L’imprimante (dans l’optique d’économiser une alimentation) était incluse à tout cela. L’orientation de la machine, avec son moniteur « A4 », était clairement la bureautique.

 

Le PCW à coeur ouvert

Il faut dire que le marché de la bureautique était à l’époque énorme et que le moindre système ne coûtait pas moins de 10000£ ! Sugar la désirait à moins de 400… A la fin du vol, l’essentiel du futur PCW était mis sur papier et arrivé à Hong Kong, les plans étaient faxés à MEJ. Quand on vous dit qu’avec Sugar c’est du rapide… Le titre du fax était : « Confidentiel : nouveaux projets pour 1985 » et voici comment Sugar voyait la bécane, et ce dans ses propres termes, d’après D. Thomas :
– Nous n’avons pas besoin de son ou couleur
– Essayez d’optimiser le nombre de composants. (en gros, il fallait économiser de l’argent sur l’électronique et passer sur une sortie Centronics)
– Une seule prise de courant.
– Même si sur le dessin, il y a deux unités de disquettes, une seule est nécessaire, car le logiciel de traitement de texte sera en ROM, vu qu’en tant que machine traitement de texte, elle n’aura besoin de rien d’autre. 128 Ko de mémoire.
– Oubliez les tendances du marché. La machine doit être vue comme un tout auquel il ne sera nécessaire de rien rajouter
– Le moniteur sera au format A4 et en 80 colonnes. On ne pourra pas avoir de tube haute résolution, il sera donc intermédiaire pour une raison de coût (phosphore vert).

 

Le fax demandait d’avancer rapidement sur le projet pour qu’ils puissent tous en discuter moins de 15 jours après. Le projet, répondant au doux nom de Joyce d’après le prénom de la secrétaire de Sugar, dût être quelque peu remanié. Ainsi le format A4 fut abandonné (et avec lui le nom de code Ant) et l’imprimante dût être séparée de l’ensemble pour des problèmes de surchauffe, le logiciel ne serait pas présent en ROM (Dieu merci, cela valut le développement de bien d’autres logiciels) car le problème de l’internationalisation de la bécane aurait été insurmontable. Mieux, on y mettrait le CP/M assurant ainsi la possibilité d’utiliser une vaste logithèque majoritairement professionnelle. Les 128 Ko furent modifiés en 256, grâce à la baisse du prix des mémoires.

MEJ et Locomotive Software furent désignés pour réaliser la machine. Pas seulement parce qu’ils avaient déjà créé le 464, mais surtout parce qu’ils avaient déjà travaillé sur des gros systèmes bureautiques. Le nom du traitement de texte rappellera d’ailleurs ses créateurs : Locoscript. Au départ, Amstrad cherchait un nom avec Word et Star, mais las d’être confronté aux problèmes légaux dûs à l’utilisation de ces deux mots très utilisés dans ce secteur, Sugar se laissa convaincre par ce nom. Pour l’anecdote, Locomotive Software, le créateur donc, préféra un paiement unique aux royalties. On dit que le paiement fut de 75 000 £. Sachant que le nombre de machines dépassa le million, Locoscript coûta à Amstrad moins d’un franc par machine !

 

Publicité Amstrad – 06/1985

Le PCW est donc la machine d’Alan Sugar (comme plus tard, le NC). Et ce fut un succès phénoménal en Grande Bretagne, et moindre dans les autres pays. Alan Sugar avait compris le marché…

On lui posait souvent la question : mais pourquoi un Z80 ? Pourquoi pas un 80286 ? La réponse était cinglante : « customer doesn’t give a shit ». Et oui, car c’est bien le bon vieux Z80 qui anime la bête… ou plutôt les bêtes, car les successeurs utiliseront le même processeur. Et il est vrai que le processeur était bien suffisant pour ce qui lui était demandé. Surtout, Le Z80 revenait à moins d’une livre par exemplaire alors que les processeurs d’Intel lui aurait coûté 10 fois plus…

Mais le vrai point fort de cette machine c’était Locoscript. Comparons ce qui se faisait à l’époque sur IBM. Prenons Wordstar ou Textor. Combien fallait il de disquettes pour installer ou simplement charger le logiciel ? Et bien sur Amstrad, Locoscript tenait sur une seule disquette (170 Ko). Richard Clayton était de ceux pour qui 1 Ko est 1 Ko et il n’y a pas de gaspillage avec lui. Dès le départ, ce logiciel était conçu pour être utilisé dans une douzaine de langues. Mieux, l’écran permettait d’afficher 32 lignes de 90 caractères. Bien supérieur aux 25 lignes de 80 caractères des PC. Grâce à un clavier conçu pour le programme, il contenait même des menus déroulants !

 

Côté technique, MEJ s’est proprement éclaté. Libre de tout standard ou contrainte, il a pu faire un boulot extraordinaire. Jugez plutôt : la carte mère du PCW contient en tout et pour tout 17 puces dont 8 pour les 256 Ko de mémoire. Tout cela, grâce à ULA, un circuit qui remplace d’innombrables puces et sert de support au Z80. Merci le Gate Array… Mieux, les puces contrôlant l’imprimante sont sur la carte mère, grâce à la place économisée par l’ULA !

Et le prix ? Sugar annonça un prix inférieur à 400£. Autant dire que tous les gens concernés (dont la plupart avait travaillé sur ce genre de système, qui, je le rappelle, tournaient autour des 10 000 £) étaient tout simplement sidérés…

 

Vue de l’intérieur du PCW 8256

 

Les différents modèles de PCW

 

 

 

La machine :

Ce qui marque dans cet ensemble c’est le respect de la philosophie d’Amstrad. Un seul câble suffit pour tout brancher. Et la, il s’agit quand même de brancher un écran, une UC et une imprimante ! Comme toujours, l’alimentation principale se trouve dans le moniteur. C’est dans ce même moniteur que l’on trouve la carte de contrôle des lecteurs et la ROM de l’imprimante. Ainsi, un seul interrupteur initie le tout.

Le PCW se distingue des CPC par son absence de connecteurs. Il est toutefois possible de lui adjoindre un second lecteur de disquettes de 1 Mo (720 Ko formatés). La console est devenue grise (un peu plus pro) et le moniteur est posé sur un socle malheureusement non orientable.

 

Ce qui fait la force du PCW, c’est, au dela de l’aspect révolutionnaire du produit, la simplicité d’utilisation. Locoscript chargé, l’utilisateur se voit assisté en permanence grâce au menu déroulant qu’il pourra consulter à tout moment.
Le « disque virtuel » (112 Ko des 256) permet de stocker en mémoire centrale les documents devant être rappelés constamment, les rendants ainsi consultables instantanément (ce qui évite la lourdeur des opérations d’entrées/sorties). Locoscript est un logiciel très performant et facilement utilisable. Il faut dire que ses créateurs (Locomotive Software) étaient des spécialistes du produit, notamment Richard Clayton (voir son interview) qui avait travaillé sur les premiers systèmes bureautiques de l’époque.

La présence de CP/M a ouvert au PCW une logithèque hors norme et la possibilité d’utiliser des hits tels que dBase II, WordStar ou Multiplan fut un plus.

 

L’imprimante était de bonne qualité. Elle offre plusieurs type de caractères. Elle peut passer en simple ou double passe (d’après la qualité choisie). A noter que grâce à son buffer généreux, elle permet d’imprimer et travailler sur un autre document en même temps, ce qui n’était pas forcément toujours le cas à l’époque.

Publicité Amstrad – 06/1987

 

Le pourquoi de la Révolution :

 

Le marché de la bureautique, et en particulier du traitement de texte, était un marché très juteux à l’époque. Comme le dit Richard Clayton, un système dédié à ce genre d’application revenait à 10 000 £. Alors imaginez Amstrad débarquant avec une machine à 399£ capable de faire tout cela ! Forcément, ce fut un carton. Surtout en Grande-Bretagne où cette machine est encore plus réputée que les CPC. Tout le monde chez Amstrad et chez ceux qui ont gravité autour de ce projet pense que cette machine a été révolutionnaire…

Qu’y avait il en face ? Des grands noms tels Wang ou Xerox avec des machines chers et nécessitant des formations longues et coûteuses. Alors forcément, quand Amstrad débarque avec une machine très bon marché et dans son sillage des logiciels ayant subi la loi Amstrad (c’est à dire des baisses de prix conséquentes), on ne peut que parler de révolution. Surtout que les formations ne sont pas nécessaires. Le manuel suffit !

Philips tenta avec son Videowriter de concurrencer le PCW. Encore plus compacte, à la limite du transportable. Mais la machine ne connut pas le succès escompté.

 

– Les différents éléments.

Le clavier :

Le clavier a été spécialement dessiné pour les PCW. D’abord, il faut remarquer qu’il s’agit bien d’un clavier et non d’une UC puisque toute l’éléctronique loge dans le moniteur.

La qualité de frappe est l’équivalente de celle du CPC 6128 auquel il ressemble d’ailleur beaucoup. Orienté traitement de texte, il existe de nombreuses touchent de fonctions qui assurent la gestion du traitement de texte et de l’impression. Ainsi, par exemple, pour la gestion du curseur sur le texte on a pêle-mêle : WORD CHAR, LINE EOL, UNIT PARA, DOC PAGE. Ainsi, on peut positionner le curseur où l’on veut dans le texte. Tout cela étant complété par les possibilités offertes habituellement par le pavé curseur.

On a également ALT qui permet l’inversement d’une fonction, FIND pour chercher un mot ou signe, EXCH pour modifier le mot, COPY pour la copie d’un bloc, CUT pour modifier la forme des paragraphes, EXTRA ET ALT qui, pressées simultanément permettent d’accéder aux caractères spéciaux.

 


Le clavier du PCW 8256 et du 9512

 
Détail sur les touches de fonction

 

L’imprimante :

Le tour de force d’Amstrad est d’avoir réalisé une imprimante dont le seul câble est celui de la connexion vers le PCW. Le but étant au départ du projet d’être incorporé au moniteur…

L’imprimante est de type matricielle à aiguilles. Forcément, elle est un peu lente (20 cps, vitesse qui monte à 90 cps pour l’impression brouillon). L’entraînement se fait par picots permettant l’utilisation de papier listing. Le papier ne doît pas être trop épais (impossible par exemple de lui faire accepter une impression avec papier carbone ou même une enveloppe). A noter qu’Amstrad a été plutôt radin sur le câble. Celui ci, trop court, oblige à coller l’imprimante au moniteur.
Par contre, côté qualité d’impression, rien à dire. Elle offre plusieurs types de caractères. A noter que la mise sous tension se fait uniquement à partir du traitement de texte.

 

 

 

La carte mère :

La carte mère est dépouillée, comme toute carte mère Amstrad digne de ce nom. On voit au centre l’ULA et sur la droite les modules RAM. On note également sur le dessus les ports d’extension, limités en nombre mais bien suffisants pour la machine.

Carte mère PCW 8256

 

(c) Charles da Silva – 2003

Sources : David Thomas « Alan Sugar »
François Quentin « Ces ordinateurs sont dangeureux »
William Poël, Richard Clayton dans leur interview respectives sur le site
Amstrad Magazine n°4 (11/85)
Tilt HS n°4 Juin 87