-Fevrier 2009- (source : Amstradeus)

 

Interview d’Arnaud Linz Créateur de VS4

– Bonjour, tout d’abord pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour. Je suis Arnaud Linz, j’ai 37 ans et suis actuellement responsable d’une équipe de développement informatique pour un opérateur télécom.

– Quel a été votre premier ordinateur ?
Ca dépend de ce qu’on appelle « ordinateur »… Mon premier « appareil programmable » était la console de jeu Phillips Videopac avec la cassette programmation (100 octets de RAM et un affichage de 14 caractères sur une ligne) : j’y ai passé des heures… Mon premier vrai micro était un CPC 464, acheté en 1985, peu après sa sortie. J’avais 13 ans.

– Qu’en pensiez-vous à l’époque et qu’en pensez-vous maintenant ?
J’avoue que, quand je regardais les jeux de mes copains qui avaient des Commodore 64, je me disais que je n’avais pas fait forcément le meilleur choix… En revanche, par rapport au C64, le CPC disposait d’une plus grande facilité d’usage, d’un meilleur processeur, et d’un meilleur écran.

Je pense aujourd’hui que c’était une machine bien conçue avec un OS en avance et un concept « tout en un » novateur. Il ne lui manquait que les scrolling hardware pour être parfaite.

L’ordinateur qui lui a succédé était un 6128. Beau design, chouette lecteur de disquette (même si les disquettes 3 pouces étaient à 30 F pièce), mais les 64K supplémentaires ne servaient pas à grand-chose.

– En possédez vous toujours (ou d’autres vieux ordinateurs) ?
Non, j’ai tout vendu à chaque fois que changeais de machine.

– Qu’est ce qui vous a amené à l’informatique ?
Mon premier émerveillement, c’était les Thomson TO7 du plan « informatique pour tous » que j’ai pu toucher en 6ème , à 11 ans. Après, je lisais des revues spécialisées faisais des programmes sur un cahier que j’exécutais dans ma tête, tout en faisant pression sur mes parents pour qu’ils m’achètent un micro… Ils étaient réticents, pensant que c’était un caprice et qu’il allait finir au placard, mais le feu sacré ne m’a jamais quitté !

– Quand avez vous abandonné le CPC ?
J’ai acheté un Atari ST en 1988, puis un Amiga, puis en parallèle un PC et un Atari Falcon, avant de ne garder que des PC.

VS4

– Pourquoi un CPC ? Et qu’en faisiez-vous ?
Le choix du CPC a été en grande partie celui de mes parents (c’est eux qui avaient les sous), et ils se sont basés sur le discours des vendeurs… Mais ce n’était pas pour autant un mauvais choix. Je l’ai utilisé pour apprendre la programmation, jouer, réaliser des applications (traitements de texte, débuggeurs, jeux) et, je dois bien l’avouer, casser quelques protections de jeux pour les passer de cassette à disquette.

– Qu’est ce qui vous a poussé à écrire VS4 ?
J’avais envie de gagner un peu d’argent de poche en publiant un programme dans les revues spécialisées. J’ai donc conçu « un petit jeu » que j’ai envoyé à une revue du groupe Pressimage (je ne me souviens plus du nom malheureusement). Cette revue m’a ensuite contacté pour me signaler qu’elle se lançait dans l’édition (avec Bretagne Edit Press), et que VS4 était de qualité suffisante pour être vendu sur support plutôt qu’imprimé sur des dizaines de pages de codes hexa.

– Comment s’est déroulée sa conception ?
Je voulais que le code du jeu puisse être imprimé dans un journal, il fallait donc faire court, avec peu de graphismes. A l’époque, faire un jeu était simple : une idée de base, quinze jours de programmation, et voilà… D’ailleurs, j’ai recommencé pendant les grandes vacances, avec Humanoid, un jeu plus abouti (ben oui, deux mois de programmation, et 300Ko…) que j’ai également fait éditer par Bretagne Edit Press.

– Avez-vous rencontré des difficultés ? Si oui, lesquelles ?
J’ai surtout eu des difficultés pour être payé : je n’avais pas de compte en banque, et devais toucher un pourcentage sur les ventes… Ce que je sais, c’est que je n’ai jamais reçu un centime, que ce soit pour VS4 ou Humanoid. Ou bien mes parents n’ont même pas remarqué le virement bancaire, ou bien il n’a jamais été effectué.

Mais bon, à 15 ans, on a d’autres préoccupations que les actions en justice, et j’ai laissé tombé. Je n’ai pas même reçu un exemplaire original du jeu : j’ai acheté une version de vs4 par curiosité, mais pas d’Humanoid, dont je ne garde donc pas de trace.

Cela a eu une vertu cependant : j’ai appris à ne pas faire confiance à n’importe qui – surtout quand j’ai lu la critique d’Humanoid dans la revue du groupe possédant également l’éditeur : elle était largement surcotée, pour booster les ventes !

– Quels langages avez-vous utilisés ? Utilisez-vous des outils de programmation particuliers ?
Un jeu qui se respecte, à l’époque, c’est 100% de langage machine Z80. Au début de l’année 86 j’ai découvert les joies de « l’assemblage », c’est-à-dire l’utilisation d’un programme pour transformer les mnémoniques en instructions. Avant cela, je codais directement en Hexa à l’aide de débuggeurs que j’avais fabriqué moi-même, d’abord en basic, puis récursivement en langage machine.

– Avez-vous des anecdotes de cette époque ?
Il m’arrivait (hum hum) de déverrouiller des jeux, d’ajouter un « cracked by Larcociel » et de les distribuer à un copain ou deux. Rien ne m’énervait plus, quand l’exercice s’était révélé difficile, de voir ces mêmes personnes changer mon pseudo avec un éditeur de fichier pour s’en attribuer la gloire. Aussi il m’est arrivé de créer de belles protections sur ce message pour empêcher cela…

Des protections que j’aurais été bien en peine de supprimer si je ne les avais pas créées moi-même ! J’aurais peut-être du me lancer dans le business de la protection anti-copie, mais à l’époque je n’en voyais pas l’intérêt .

– Que pensez vous de la direction qu’a prise l’informatique aujourd’hui et de l’avènement du standard PC ?
Ah, j’aurais bien aimé pouvoir disposer de la dernière GeForce sur mon Amstrad / Atari / Amiga ! Même si le chemin n’a pas été optimal (DOS et les modes graphiques VESA des années 95 sont une horreur), les PC d’aujourd’hui sont des machines de rêve.

– Que pensez-vous des jeux vidéos d’aujourd’hui ?
A l’époque de l’Amstrad, quand j’imaginais dans mes rêveries le jeu du futur, je voyais quelque chose de relativement proche d’un Oblivion amélioré, mais je ne croyais pas le voir avant la retraite… Maintenant je suis sûr que je le verrai d’ici 5 ans !

Honnêtement, même si les impératifs du marché de masse font que les jeux se ressemblent tous un peu, j’ai toujours énormément de plaisir à jouer.

– Des regrets concernant cette époque ?
Ah, je suis surtout nostalgique de l’immense quantité de temps libre que j’avais à l’époque pour me consacrer à cette passion.

– Avez vous gardé des contacts avec des acteurs de l’époque ?
Au fil du temps, les gens changent et les chemins divergent. Je n’ai plus aujourd’hui de contact avec la scène Amstrad/Atari/Amiga (y-compris « Underground ») de l’époque.

– Que faites vous maintenant ?
Sur la scène du jeu vidéo, hormis en un shareware pour Atari Falcon (Des Lasers et Des Hommes, en 1994), et plus récemment des mods pour Neverwinter Nights (1 et 2), je ne suis plus qu’un simple joueur… Professionnellement, je suis resté dans le logiciel et développe des applications pour le Système d’Information d’un opérateur téléphonique. Ce ne sont pas des jeux, mais cela reste très intéressant.

– Un petit mot pour nos lecteurs ?
Quand je regarde une copie d’écran 320x200x4 en écoutant de la musique non échantillonnée avec un haut-parleur bas de gamme, je n’arrive plus du tout à ressentir l’émotion artistique que je ressentai à l’époque… Ai-je tant changé ? Est-ce pareil pour vous ?

Interview réalisée au mois de février 2009.

(c) Charles da Silva – 2009