3615 MY LIFE N°09

Ancharge

De la sueur, du sang et des larmes sont les trois mots jadis utilisés par le vieux lion Britannique et que m’évoquent aujourd’hui le sujet de ce neuvième rendez-vous. Ayant dès la quatrième manifesté un intérêt plus que limité pour les sciences mathématiques, je vous laisse le soin de convertir en francs-euros -courants- constants la somme de 149 FF. Mais nul besoin de se nommer Alan Turing pour constater que cela constitue beaucoup d’argent, trop en tout cas pour la petite famille à l’époque, et malgré les softs copiés à la volée qui nourrissent la boîte à biscuits en fer de ma grand-mère, la source autrefois jaillissante commence à singulièrement à se tarir ??

Le Minitel, fierté nationale, ( ex-æquo avec le nanoréseau ) avait alors fait son apparition depuis peu au sein du foyer et il se trouve qu’il était l’un des quatre éléments nécessaires au téléchargement de softs via le 3615 Amcharge. Les gars qui se cachaient derrière ce service dématérialisé, par le biais de leur réclame aguicheuse, m’avaient aussi bien vendu la chose que je l’avais moi-même vendu à mes parents, ou tout du moins à ma mère, mon père lui étant bien plus intéressé par son caméscope.

Ce dispositif numérique sera par ailleurs en lien direct avec le « season finale » de ce 3615 Am…. euh non, My Life, mais vous devez déjà le savoir en fans hardcores que vous êtes désormais… ??

C’est Exolon, prestigieux ancêtre de jeux moins funs tels que Halo, qui atterrira pour premier sur support magnétique. Mes aventures avec le cordon ombilical de téléchargement seront malheureusement beaucoup moins glorieuses par la suite…

Ce premier succès m’encourage ainsi à colporter la nouvelle et me voilà donc chez Michaël, fort enthousiaste et à tel point impatient de voir la magie s’opérer qu’il choisit à la va-vite un titre dans la catégorie « action ». Le nom de ce dernier ressemblait à quelque chose comme « Eliminator » et c’est sur cette seule information que le téléchargement, après validation de ce choix, commence alors. Après tout, si le nom en jette, c’est qu’il est doit être bon, ce jeu, preuve en sont les nombreuses minutes qui s’écoulent et qui sont nécessaires au téléchargement de toutes ces données, lesquelles, mises bout à bout, constitueront un tout à la hauteur de nos espérances. Vous connaissez tous Nemesis / Gradius et ses débuts de tableaux dédiés à la récupération de power-ups, et ce via la destruction d’escadrilles de petits vaisseaux n’est-ce pas ?

Et bien « Eliminator » se résume en fait uniquement à ce début de tableau, les powers-ups en moins. Michaël laisse exprimer sa déception de sa voix rauque et c’est pour moi une première déconvenue, à ce stade insuffisante cependant à remettre en question mon achat. Mr. F. a eu vent de mon acquisition de ce périphérique ( à moins que ce ne soit moi qui ne lui en ait touché mot ?? ) et passe ainsi commande de pas moins de trois bonnes productions: Bumpy, Skweek et Crazy Cars 2. En bon prince, je me vois accordé la somme de 1FF de pourboire ( terme réel utilisé ) ce qui est bien loin de ce que j’espérai.

Nouvelle déconvenue donc, mais le meilleur reste à venir. Confiant quant à la qualité du service Amcharge, je
n’avais pas pris la précaution de segmenter en trois le téléchargement d’un si grand nombre de données, résultant en l’échec de l’obtention des trois softs. Je suis donc dans l’obligation, non sans avoir au préalable tenté une manœuvre discursive, de restituer l’intégralité de la somme versée par Mr. F. soit 30FF.

Cette énième déculottée me persuade de me délester de cette source de problèmes par le biais d’un allié de poids, j’ai nommé le mensuel A100%.

Depuis quelques numéros déjà, il est demandé aux lecteurs désireux de passer une annonce de le faire en des termes les plus humoristiques possibles, ce que Mr. F. avait à l’époque jugé particulièrement discriminatoire envers les jeunes pixeleux manquant de talent d’écriture et/ou d’humour. Fermons cette parenthèse et revenons en à l’annonce, que je rédige de ma plus belle plume ( voir en illustration ) afin de maximiser mes chances d’en obtenir un retour positif. Bien entendu, et dans la suite logique des choses, cette initiative se solde par une toute dernière
pantalonnade. En effet, à chaque retour du collège, soit deux fois par jour ( étant externe ), ma mère me répondait par la négative à cette question: « Maman, ya quelqu’un qui a appelé ? »

Ce rituel perdura quelques semaines avant que je me rende à l’évidence: ce kit de téléchargement n’intéresse personne. Dans le but d’atténuer quelque peu les conséquences financières négatives de cette acquisition, c’est tout naturellement que la disquette finit par rejoindre ses semblables et que le cordon se retrouva dans un lot divers vendu, bien des années plus tard,par le biais de la revue Okaz.

Et si comme moi, vous n’avez rien de plus intelligent à foutre, amusez vous à parcourir les annonces des pixeleux de l’époque sur abandonware magazines. Avec un peu de chance, vous trouverez bien un ou deux bras cassés à livrer à l’ opprobre, moi je m’en fout, je viens de le faire et j’attends en retour vos tomates pourries avec une impatience non dissimulée ( en revanche pas de pommes car sans détester cette boîte, je ne suis pas fan de Apple et méfiant de nature avec les personnes s’auto- proclamant rois du monde ).

Roberto Carangelo